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est fasciné, il faut en profiter. Telles étaient les pensées dont était agité le sein de Cortez huit jours après son entrée dans la cité impériale de Tenochtitlan. Il s’était placé dans l’obligation de réussir et d’ajouter à la couronne de Charles-Quint un fleuron si beau qu’en considération de ses services toute son audace lui fût pardonnée. Un dernier pas restait à faire, un seul, mais c’était le plus difficile de tous. Hôte de Montezuma, il fallait devenir son maître. Cortez se fie à sa fortune. Montezuma sera le vassal du roi d’Espagne, et lui, Cortez, il aura un gage certain de la subordination et de l’obéissance des peuples. Ce gage sera la personne de l’empereur.

Après tant de hardiesses, celle-ci était une suprême témérité. Sous prétexte de la conduite perfide d’un gouverneur mexicain, Quauhpopoca, qui, il y a quelque temps déjà, a fait égorger deux soldats espagnols, Cortez se rend au palais impérial suivi de cinq ou six de ses plus intrépides lieutenans, et termine un entretien avec le prince en lui disant de le suivre dans ses propres quartiers. Montezuma refuse ; on lui réplique qu’il le faut. Il offre en otages ses enfans ; on lui signifie qu’on le veut lui-même, et les Espagnols mettent la main sur la garde de leur épée. C’est de la folie caractérisée, direz-vous ; le palais est rempli de gardes, la ville regorge de soldats mexicains. Montezuma est tout puissant : ainsi qu’il le dit un jour à Cortez, il n’a qu’à lever le doigt pour que des myriades de guerriers se ruent sur la petite troupe des Castillans et de leurs suivans les Tlascaltèques. Mais Cortez, avec le coup d’œil de l’homme de génie, a vu que son ascendant personnel sur Montezuma était plus grand encore que le pouvoir de ce prince sur ses sujets. Cette autorité absolue de l’empereur, puisqu’il tient l’empereur lui-même dans sa main, elle sera un instrument pour ses desseins audacieux. Montezuma est fasciné par le conquistador, donc il cédera et se laissera emmener dans le casernement de celui-ci : il est vain au plus haut degré, donc il fera comme s’il allait de son plein gré, et que tel fût son bon plaisir. A sa cour, parmi ses gardes, et dans sa capitale, on est dressé à lui obéir ponctuellement avec la soumission la plus profonde ; donc, quand il aura exprimé sa volonté, on n’y résistera pas, on le conduira respectueusement dans cette prison, qu’il subira, mais qu’il paraîtra s’être choisie. Cependant, quand il demande sa litière, disant que c’est pour aller s’établir dans le quartier des Espagnols, les nobles, chefs de sa garde et de sa maison, semblent stupéfaits ; ils n’en croient pas leurs oreilles ni leurs yeux. Dans les rues, la foule le regarde passer comme terrifiée d’un sacrilège abominable ; cependant personne ne bouge : Montezuma répète