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répond à l’accusation par des traits de courage presque fabuleux, et le jeune Xicotencatl, de Tlascala, héros plus complet, qui est tiraillé sans cesse entre sa haine pour les Aztèques et le soupçon que les hommes blancs viennent asservir tous les indigènes sans exception. Ce sont deux types originaux qui contrastent vivement. Quelle différence aussi entre leurs deux fins ! L’un devient cacique de Tezcuco, l’autre périt sur une potence comme un déserteur, pour avoir pendant le siége quitté les rangs des Espagnols et s’être dirigé, dégoûté d’eux, vers les montagnes : exemple terrible que Cortez crut devoir donner aux récens vassaux de son souverain, afin qu’ils comprissent l’étendue de leurs devoirs et la vigueur de la main sous laquelle ils s’étaient rangés. Un autre des chefs tlascaltèques, le vieux Magiscazin, par sa prudence et sa loyauté, et par les éclairs d’énergie qui lui reviennent dans une circonstance critique, lorsque l’éloquence des ambassadeurs aztèques a presque déterminé le sénat de Tlascala à abandonner Cortez, alors fugitif, ressemble au sage Nestor, fidèle aux dieux, quand, à la vue des Grecs qui plient et d’Hector qui s’apprête à embraser la flotte, il redemande ses javelots. C’est le même qui argumente avec Cortez, comme l’eût pu faire le roi de Pylos, sur le caractère de la religion de ses pères.

Du côté des Mexicains, les traits des personnages ne sont pas moins fortement prononcés. La noble figure d’Hector ne fait point pâlir celle de Guatimozin, et on aimerait mieux être dans une ville défendue par ce dernier que sous l’égide du fils de Priam. À vingt-cinq ans, ce prince, le dernier des empereurs aztèques, se montre admirable par son activité et son esprit de ressources quand il faut organiser la résistance ou l’agression ; d’une bravoure à toute épreuve, il est en même temps familier avec les ruses de la guerre. Dans ses désastres, on le voit sublime de résignation ; il demeure roi sur le brasier où Cortez, cédant à l’avidité de ses compagnons, le fait placer pour qu’il déclare, dans la torture, où il a caché ses trésors, qu’il n’a point cachés, hélas ! car il ne lui reste rien. Il meurt en roi, quand le conquistador, trompé par de fausses dénonciations pendant une pénible campagne dans l’isthme de Honduras, lui arrache la vie. Le frère de Montezuma, Cuitlahua, intrépide soldat, intelligent capitaine et patriote ardent, est un type plus séduisant qu’Agénor ou Énée. Parmi les autres chefs troyens, il n’est personne qui soit plus beau que le cacique de Tezcuco, Cacamatzin, quand il reçoit avec une généreuse indignation l’ordre envoyé par Montezuma d’obéir aux Espagnols.