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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/237

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Et dans les rangs des Aztèques, il n’y eut pas de Pâris qui lâchât pied indignement, chacun y sut mourir.

Montezuma lui-même, l’infortuné Montezuma, n’est pas un type commun. Libéral et généreux jusqu’à la prodigalité, élégant jusqu’aux dernières limites du faste, royalement affable, il est aussi d’un esprit cultivé et fin. Dans sa jeunesse, il s’était montré intrépide à la guerre, et appartenait à l’ordre des Quachictin, qui étaient les braves des braves ; mais, par degrés, il était tombé dans une bigoterie imbécile. Il crut que les signes astrologiques et les antiques prédictions du pays lui commandaient de se soumettre aux Espagnols. Par une inconcevable contradiction qui révèle beaucoup de faiblesse l’ame, la superstition religieuse effaça en lui, vis-à-vis de ces étrangers audacieux, le sentiment du patriotisme, quoique Cortez se présentât avec l’intention avouée d’anéantir la religion mexicaine. Vainement à l’amour de la patrie se joignit, pour le solliciter, le sentiment de l’ambition, la passion du pouvoir qui dévore quiconque en a goûté ; il ne sut trouver contre les envahisseurs que des supercheries de Grec du Bas-Empire. M. Prescott l’a comparé quelque part à Louis XIV, et c’est souverainement injuste pour le grand roi. Si, de même que Montezuma, Louis XIV eut un luxe excessif qui le conduisit à obérer les populations ; si, ainsi que le prince mexicain, mais du moins lorsqu’il eut l’excuse d’un âge avancé, il se laissa dominer par de fausses idées qu’on lui présentait sous le masque de la religion, et s’il commit la faute impardonnable, et à jamais fatale à notre pays, de révoquer l’édit de Nantes, il n’en est pas moins vrai qu’en lui l’amour de la patrie resta toujours aussi ardent qu’à vingt-cinq ans. Il se sentit toujours le représentant d’une puissante nationalité qui ne devait point courber la tête, et la veille de la journée de Denain, où devait se jouer la fortune de la France, ses paroles à l’audacieux Villars sont sublimes. Jamais on ne lui eût, lui vivant, mis des fers. Quelque bien doués qu’ils soient d’ailleurs, les caractères indécis font une triste figure dans l’histoire. Tel était Montezuma. Louis XIV, au contraire, fut d’un bout à l’autre remarquable par sa résolution. Aussi il constitua une grande monarchie, il fonda un système politique, et Montezuma laissa un empire crouler sous lui.

Les femmes même ne font pas défaut à l’épopée de la conquête du Mexique. Ce n’est plus tout-à-fait la noble et touchante Andromaque ; ce n’est pas non plus la douce et plaintive Iphigénie, ni Hécube aux incomparables douleurs, ni la tendre et inconsolable Didon. C’est pourtant