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explorateurs des siècles derniers, est aujourd’hui attaquée par les quatre points cardinaux. Au nord, la conquête de l’Algérie ouvre une porte qu’ont déjà franchie et nos braves escadrons et quelques négocians aventureux. Les premières plaines du désert ont été sondées, la constitution géologique en a été reconnue, et un habile ingénieur, M. Fournel, a proposé de les jalonner de puits artésiens qu’entoureraient bientôt de fraîches oasis, ports de refuge au milieu de ces mers de sable, plus périlleuses que le véritable océan. Au midi, les Anglais et les Hollandais refoulent chaque jour davantage vers l’équateur les peuples de la Caffrerie. A l’ouest, le Niger et ses affluens sont remontés par les bateaux à vapeur sortis des chantiers de Londres. A l’est enfin, l’Angleterre encore a planté son drapeau sur les rives de la mer Rouge, et s’apprête à suivre la voie que lui ont tracée nos aventureux compatriotes, MM. Combes, Tamisier, Lefèvre, Dabadie, Rochet d’Héricourt. Avant un siècle peut-être, ces apôtres guerriers ou pacifiques de la civilisation, partis de quatre points opposés, se rencontreront au centre de ces terres si long-temps inconnues ; avant un siècle, l’Afrique nous aura livré ses secrets vainement défendus par son climat brûlant, son ciel meurtrier, ses déserts et ses monstres.

Au milieu de cet entraînement général vers l’Afrique, l’Asie est négligée d’une manière vraiment inexplicable. Presque tout reste à découvrir dans cet antique berceau du genre humain. Malgré les renseignemens recueillis par notre infortuné compatriote Jacquemont, malgré le voyage plus récent de MM. de Humboldt, Ehrenberg et Rose, et les magnifiques résultats qui ont récompensé leurs fatigues, l’Asie centrale est à peine connue. Nous ne savons rien sur l’intérieur de l’empire chinois. Au midi, l’Inde proprement dite est seule ouverte à nos investigations, et bien qu’emportés par la nécessité ou l’entraînement des conquêtes, les Anglais envahissent chaque année quelque province, quelque empire nouveau, leurs possessions s’arrêtent à ces chaînes de montagnes que la nature a élevées comme de gigantesques remparts entre le sud et le centre du continent. Au nord, l’aigle moscovite couvre de ses ailes des régions sans bornes ; mais là même où son empire est le moins contesté se trouvent d’immenses contrées où ne pénétra jamais un seul de ces hommes d’Europe qui les gouvernent. Les cartes officielles de la Sibérie présentent de larges lacunes où des provinces entières ne sont figurées qu’en blanc.

Aujourd’hui cependant la Russie paraît s’occuper sérieusement de reconnaître les terres qui lui appartiennent. Chaque année, les steppes sans fin de la Sibérie et ses hautes chaînes de montagnes sont traversées