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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/249

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aiguës les couches d’origine sédimentaires qu’elles ont rompues et redressées. Dans l’Altaï, il n’en est pas de même. Agissant à des profondeurs incalculables, elles ont soulevé en bloc tout ce pays aussi grand que la France, et dans cet ébranlement se sont produites ces fentes abruptes devenues aujourd’hui des vallées, ces entonnoirs dont de vastes lacs occupent le fond. Les granits, les syénites, les diorites, les porphyres, toutes ces roches aujourd’hui solides, alors masses fluides, ne se sont montrées à découvert que sur quelques points ; mais dans ce cas, on reconnaît sans peine qu’elles se sont frayé un passage à travers les couches préexistantes. C’est ainsi qu’on trouve en maint endroit, et surtout sur les rives de la Tchoultcha, des fragmens de roches sédimentaires empâtés dans le granite. Lorsque celui-ci sortit liquide de ses abîmes entr’ouverts, il enveloppa ces quartiers de la roche qu’il venait de briser, et les conserva enchâssés dans sa pâte comme un témoignage indestructible de ces antiques bouleversemens. Ailleurs, dans le voisinage du village de Sogra, on voit ce même granite former des filons réguliers dans des roches d’une nature toute différente dont il a rempli les fentes, comme le cuivre ou le plomb en fusion remplissent le moule d’un fondeur. Ailleurs encore on trouve, comme M. de Humboldt l’avait vu dans l’Irtysch, des couches redressées verticalement que recouvre une large calotte de granit. Après avoir soulevé la croûte solide qui l’emprisonnait, l’avoir brisée, et placée perpendiculairement, cette ruche a versé au-dessus ses vagues brûlantes qui, solidifiées bientôt en assises horizontales, attestent de nos jours leur mode de répartition.

L’action des masses ignées, qui ont soulevé et traversé parfois tout ; l’Altaï, ne s’est pas bornée aux phénomènes que nous venons de décrire. Elle a modifié dans beaucoup de circonstances la nature même des roches préexistantes, qui n’ont pu se trouver impunément en contact avec cet effroyable foyer de chaleur. Peu de contrées présentent sur une aussi grande échelle les phénomènes de métamorphisme. On désigne sous ce nom l’ensemble des transformations qu’ont subies certaines roches et qui reconnaissent presque uniquement pour cause le voisinage des grandes éruptions de matières fondues. On voit alors les calcaires terreux ou compactes revêtir le caractère de marbres cristallins, comme nos Pyrénées en offrent de nombreux exemples. D’autres fois, de durs et solides qu’ils étaient, ils deviennent friables et se fendillent en tout sens en passant à l’état de dolomie par l’addition de la magnésie. Des grès se changent en bancs solides de quartz, des argiles schisteuses, des matières arénacées durcissent et présentent