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a publié sur la faune de Sibérie, et qui forme un appendice important à l’ouvrage de M. de Tchihatcheff. Il résulte des recherches de ce célèbre naturaliste que l’Europe renferme 143 espèces de mammifères terrestres, 451 espèces d’oiseaux, 94 espèces de reptiles, tandis qu’en Sibérie on ne trouve que 92 mammifères, 323 oiseaux, et 21 reptiles.

Une telle disproportion s’explique sans peine par les circonstances topographiques et climatologiques qui distinguent la Sibérie de l’Europe. Cette dernière forme une grande presqu’île étendue vers le couchant, exposée du côté du sud aux vents chauds qui lui arrivent d’Afrique, baignée à l’ouest par une mer constamment attiédie par les eaux que le gulf-stream amène du golfe du Mexique. Aussi ses hivers sont-ils courts et peu rigoureux. La Sibérie, au contraire, profondément enfoncée dans les terres, séparée de nos régions tempérées par de hautes chaînes de montagnes, enserrée du côté du nord par une ceinture de glaces éternelles, est largement ouverte à toute la violence du souffle boréal, tandis que la chaude haleine des vents du sud ou de l’ouest ne peut pénétrer jusqu’à elle. Aussi, à la même distance du pôle, les hivers y sont-ils bien plus longs, bien plus rigoureux qu’en Europe, et l’on doit s’attendre à voir subsister la supériorité de cette dernière pour ce qui touche au nombre des espèces animales, lors même qu’on aurait exploré à fond les vastes steppes de la Sibérie.

Les deux faunes que nous comparons ont un grand nombre d’espèces communes. Cependant chacune d’elles est caractérisée par la présence d’espèces qui ne se retrouvent pas dans l’autre. Ainsi la Sibérie possède en propre vingt-six mammifères et quarante-trois oiseaux qu’on ne trouve pas en Europe. Au reste, les résultats que nous énonçons ici d’après M. Brandt ne sont applicables qu’à la Sibérie occidentale, c’est-à-dire à la portion de cette immense c6ntrée qui est placée à l’ouest du Yeniseï, et qui renferme l’Altaï. La Sibérie orientale, située à l’est du même fleuve, doit présenter dans sa faune des caractères bien plus prononcés. Elle doit se rapprocher sous ce rapport de l’Amérique septentrionale, dont elle n’est séparée, on le sait, que par le détroit de Behring ou des mers qui, transformées en plaines de glace par les froids excessifs de l’hiver, offrent un passage facile aux animaux des deux continens et favorisent le mélange des espèces.

En parlant des productions animales de la Sibérie et de l’Altaï, nous devons une mention particulière aux cousins, à ces insectes si justement désignés par l’épithète de sanguinaires. En pénétrant dans