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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/266

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aux colons russes. Ceux de la première catégorie ont en outre le droit, en se livrant au commerce, de se faire inscrire dans celle des trois guildes dont ils peuvent payer l’impôt. Ceux de la seconde catégorie ne peuvent atteindre qu’à la seconde guilde.

En Russie, où il n’existe rien qui rappelle notre classe moyenne non plus que la petite bourgeoisie de nos temps féodaux, on a de tout temps manqué d’intermédiaire entre le serf et le seigneur. Les guildes ou classes de commerçans peuvent être considérées comme tendant à combler un jour cette lacune. Leur organisation rappelle un peu celle de nos corporations du moyen-âge. Elles sont au nombre de trois, et jouissent chacune d’immunités et de privilèges particuliers. L’impôt qui pèse sur leurs membres augmente avec le degré de la guilde. Les plus riches négocians seuls sont en état d’acquitter les droits de la première, mais tout individu peut, en s’enrichissant, passer d’une guilde à l’autre. Les membres de la première guilde vont presque de pair avec la noblesse, et, dans ces dernières années, le gouvernement russe a dû déployer beaucoup de fermeté pour repousser les réclamations des nobles, qui protestaient contre cette espèce d’égalité. On voit que, grace à cette organisation, les familles de race étrangère peuvent, en se livrant au commerce, atteindre presque aux premiers rangs de la société russe . Dans l’ouvrage de M. de Tchihatcheff, les détails qu’on vient de lire sont accompagnés de citations qui paraissent ne laisser aucun doute sur l’authenticité de ces renseignemens. S’ils sont l’expression de la vérité, il faut bien reconnaître que la domination russe est un bienfait pour ces vastes contrées, qu’elle est cent fois préférable, pour ces peuplades à demi sauvages, à celle de certains peuples qui inscrivent en gros caractères sur leur drapeau le grand mot de philanthropie. Quelle différence dans les manières d’agir de la Russie et de l’Angleterre ! La première, laissant à ces peuples soumis leurs terrains de chasse ou de pêche, leurs lois, leurs mœurs, leurs coutumes, cherchant à les initier peu à peu aux bienfaits de la civilisation, facilitant leur fusion avec ses sujets plus avancés, les protégeant contre leur intempérance naturelle, ouvrant à une ambition qu’elle cherche à faire naître un libre accès dans les rangs de la société civilisée ; la seconde, se rendant maîtresse de la terre, en expulsant peu à peu les habitans dont la race semble disparaître à son brûlant contact, ne mélangeant jamais le sang breton avec celui de ces peuplades proscrites, ne s’inquiétant ni de leur présent ni de leur avenir que pour détruire par tous les moyens possibles, per fas et nefas, le moindre obstacle qui