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répandre autour d’elle la richesse et le bien-être contrastent avec ceux qu’on observe chez les hommes de la même classe livrés aux travaux de l’agriculture. Ici, les travaux opiniâtres et soutenus exercent une influence éminemment salutaire, et amènent à leur suite des idées de progrès et de moralité. L’exercice des métiers et des travaux manufacturiers semble, sous le rapport qui nous occupe, tenir le milieu entre ces deux extrêmes. Ainsi se confirment, au fond de la Sibérie, les résultats fournis en Europe par les calculs de la statistique. Ici comme en Angleterre, comme en France, comme en Europe, nous voyons les vices de la classe manufacturière offrir le plus triste contraste avec l’état moral des populations agricoles.

Les Cosaques forment une classe à part au milieu de la population européenne de la Sibérie. Ils sont partagés en deux catégories distinctes par leur organisation et leur destination : les uns, appelés Cosaques de ligne, sont régis par les lois et règlemens militaires. Ils relèvent du gouverneur-général et remplissent toutes les fonctions des troupes régulières. Leur engagement dure vingt-cinq ans : ce terme expiré, ils peuvent regagner leurs steppes ; mais le gouvernement cherche à les fixer en Sibérie en leur donnant, outre leur solde et leurs rations, des terres qui leur appartiennent en propre, en leur permettant de se livrer à tous les genres de commerce ou d’industrie. Les troupes cosaques se recrutent toujours d’individus de cette race, et les enfans sont censés faire partie du régiment de leur père.

Les Cosaques de la seconde division portent le nom de Cosaques urbains. Ils constituent un véritable corps de police, une espèce de garde municipale permanente, et relèvent des autorités civiles. Les uns sont enrégimentés et remplissent à peu près les mêmes fonctions que nos gendarmes. Le gouvernement leur fournit les armes ; mais les chevaux et tous les frais d’équipement sont à leur charge. Chacun d’eux reçoit en toute propriété quinze arpens de terre labourable, ou l’équivalent en terrain de chasse et de pêche. Ces allocations sont inaliénables. Leur engagement dure vingt-cinq ans, et tout individu congédié est censé demeurer dans la localité où est cantonné son ancien régiment. Cette milice est également composée uniquement de Cosaques, et les enfans y entrent de droit à l’âge de seize ans.

A l’époque où l’on appliqua pour la première fois aux Cosaques de la Sibérie le principe de l’enrégimentation, le gouvernement jugea convenable de ne point y assujettir ceux qui se trouvaient établis dans des contrées éloignées. Il les organisa en colonies ou stations militaires.