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constitution robuste. On place dans la troisième ceux qui, moins propres aux travaux pénibles, sont employés comme domestiques. La quatrième est composée de ceux qui ont encouru la moindre peine, et qui sont propres aux travaux agricoles : ce sont les exilés colons, désignés sous le nom de pozélentsi (installés). Enfin la cinquième classe comprend les individus que leur âge ou leurs infirmités rendent impropres à tout travail, et qui sont entretenus aux frais de l’état.

Tout exilé peut, à l’aide d’une conduite régulière, passer d’une classe à l’autre, et arriver ainsi à la quatrième ou celle des exilés colons. Pendant le temps écoulé dans les classes précédentes, son travail lui est payé. Une portion du salaire est employée à son entretien. Le reste forme une masse qu’on lui remet lorsque, parvenu à la quatrième classe, il lui est permis de s’établir et de travailler entièrement pour son compte. À cette époque, le gouvernement lui alloue des terres, et, pendant trois ans, il est exempt de tout impôt. Les sept années suivantes, il paie la moitié de l’impôt perçu sur les paysans de la couronne. Ce terme expiré, il est mis sur le pied de ces derniers, et jouit des mêmes droits.

Débarrasser la société des criminels et des gens sans aveu, remplacer par la déportation la peine de mort, si terrible, parce qu’elle est sans remède, la peine de la prison, si lourde pour l’état ; ramener par le travail des hommes égarés à des idées de droiture et de moralité ; créer ainsi des colonies utiles, et semer au milieu de régions désertes les germes de populations pleines d’avenir, c’est là une belle pensée. Deux peuples ont essayé de résoudre ce problème, la Russie et l’Angleterre, et si nous comparons les résultats obtenus, il faudra bien le reconnaître, l’avantage reste à la première. Nous avons vu avec quelle facilité on maintient le bon ordre en Sibérie dans les circonstances les plus propres à réveiller les passions mauvaises. Ce résultat s’explique sans peine par ’les effets de l’organisation juste et sage dont nous venons d’esquisser les principaux traits. Le tableau que présentent les colonies pénitentiaires de la Nouvelle-Hollande est bien différent.

Jetons avec M. Dupetit-Thouars[1] un coup d’œil sur l’état moral de ces contrées pendant la période de vingt-six ans écoulée de 1810 à 1836. Il résulte de documens officiels publiés par ordre du conseil de la colonie que, dans les huit premières années de cette période, le

  1. Voyage autour du monde sur la frégate La Vénus, pendant les années 1836, 1837, 1838 et 1839, par Abel Dupetit-Thouars ; Paris, 1841.