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nombre des condamnations en cour criminelle a été au chiffre total de la population dans le rapport de 1 à 370. Pendant les trois années suivantes, ce rapport n’a guère varié ; mais de 1821 à 1825, la proportion a été de 1 à 223 ; enfin de 1831 à 1835, cette proportion s’est élevée au point que le chiffre des condamnations est à celui de la population comme 1 est à 120. Il ne s’agit ici que des condamnations pour causes criminelles. D’après M. Bannister, ancien attorney général, le nombre total des condamnations prononcées par les cours de justice, en 1825, a été de 6,000 sur une population de 16,000 convicts (déportés). En 1835, le chiffre des condamnations s’est élevé à 22,000 sur une population de 28,000 convicts, et dans ce nombre ne figurent pas les actions au criminel.

Ainsi, bien loin de s’améliorer pendant la période dont nous parlons, la population de la Nouvelle-Hollande s’est de plus en plus gangrenée. Les causes de cette démoralisation croissante, signalées avec raison par M. Dupetit-Thouars, sont multiples. Nous mettrons en première ligne avec lui l’absence de toute organisation parmi les convicts, et l’introduction prématurée du jury, qui, en soumettant les criminels au jugement d’hommes qui partagent tous leurs sentimens, leur assure l’impunité. Le célèbre marin à qui nous empruntons ces détails cite à ce sujet un fait révoltant qui s’est passé à Sidney sous ses yeux. Une douzaine de convicts employés comme domestiques sur les frontières de la colonie se réunirent un jour pour traquer quelques indigènes inoffensifs qui, sur la foi des traités, habitaient le voisinage. Ils les chassèrent, et les ayant réunis dans une hutte au nombre de vingt-huit, hommes et femmes, ils les lièrent avec des cordes et les traînèrent dans les bois. Là ils allumèrent un grand feu, et y précipitèrent ces malheureux, qu’ils retenaient avec des branches d’arbre au milieu des flammes, tirant à coups de fusil et de pistolet sur ceux qui cherchaient à échapper au supplice. Cet épouvantable crime fut connu. Ses auteurs comparurent devant la cour criminelle. L’attentat fut prouvé ; cependant après un quart d’heure de délibération, le jury rapporta un verdict de non culpabilité. Les assassins furent relâchés.

Nous trouvons indiquée dans l’ouvrage que vient de publier le capitaine Wilkes[1] une autre cause bien grave de corruption pour les convicts de la Nouvelle-Hollande : c’est l’absence de toute classification

  1. Narrative of the United-States exploring Expedition during the years 1838, 1839, 1840, 1841 and 1842, by Charles Wilkes ; London, 1845.