Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même supérieur à l’autre, si l’activité de la circulation ne permettait pas d’abaisser le tarif du péage au même niveau.

Il faut remarquer d’ailleurs que cette activité dépend à bien des égards de la situation, ce qui rend les anomalies dont nous parlons inévitables. On peut bien dire avec une certaine vérité, comme l’a fait tout récemment M. le ministre des travaux publics[1], que le bas prix des transports contribue à étendre la circulation en faisant naître pour ainsi dire les produits transportables. Rien de plus juste en thèse générale ; mais cela n’est vrai que dans une certaine mesure, et, quoi qu’on fasse, l’influence des situations se fait toujours sentir. Pour faire comprendre l’étendue de cette influence et rendre sensibles les vérités que nous énonçons, nous citerons un grand exemple qui nous servira du reste à plusieurs fins. Comparons l’une à l’autre deux voies de communication fort connues, qu’on a souvent citées, en tirant de leur rivalité des conséquences bien contestables : nous voulons parler du chemin de fer de Saint-Étienne et du canal de Givors.

Le canal part des environs de Rive-de-Gier et s’avance de là, dans la direction de l’est, sur une longueur de 16 kilomètres. A son point de départ c’est une impasse, de l’autre côté il débouche dans le Rhône, en aval de Lyon. Comme les bateaux qui en sortent chargés de houille ne peuvent pas remonter le cours de ce fleuve, dont la rapidité est connue, le canal de Givors ne sert point à l’approvisionnement de Lyon. Il n’y servait pas même avant la construction du chemin de fer, et cette ville recevait alors les houilles de Saint-Étienne par les routes ordinaires. Les provenances du canal ne vont donc pas au-delà de la vallée du Rhône ; elles ne l’approvisionnent même pas tout entière, car elles ne tardent point à y rencontrer la concurrence des mines de la Grand’Combe, qui, grace à de belles voies de communication établies pour leur usage, exploitent avec avantage le bas du fleuve, dont elles sont voisines, et approvisionnent nos ports du littoral. Voilà donc un débouché limité par la nature des choses, c’est une sorte d’impasse des deux côtés. Dans cette situation, le tonnage du canal est, autant que nous pouvons le savoir, d’environ 200,000 tonnes par an.

La position du chemin de fer est tout autre. Son point de départ est à Saint-Étienne ; il se dirige de là sur Rive-de-Gier, où il rencontre le canal ; il le suit parallèlement jusqu’à Id jonction du Rhône. Là,

  1. Discussion, à la chambre des pairs, de la loi relative au rachat des actions de jouissance des canaux.