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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/286

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si défavorable, ce ne peut être qu’en raison de l’extrême supériorité qu’il a d’ailleurs comme moyen de transport. C’est qu’il compense par le plus bas prix de la locomotion la surélévation nécessaire de son péage. Changez les positions, mettez le chemin de fer à la place du canal et le canal à la place du chemin de fer, et ce dernier ne transportera pas une tonne de charbon.

Quant aux conséquences générales qui découlent de ce rapprochement, tout le monde les a déjà comprises. C’est d’abord que le péage est un élément trop variable, trop subordonné à l’influence des positions, pour que l’on puisse en faire l’objet d’un calcul régulier ; c’est, en outre, que l’intervention de cet élément dans la composition des prix suffit pour expliquer les inégalités, les anomalies singulières que l’on remarque dans la lutte engagée entre les chemins de fer et les canaux ; c’est enfin que, si l’on veut déterminer d’une manière absolue les conditions de supériorité de l’un des deux modes de transport sur l’autre, il faut de toute nécessité faire abstraction de cet élément, dont les variations, pour ainsi dire capricieuses, mettraient en défaut tous les calculs.

Il faut pourtant bien, dira-t-on, en tenir compte, quand il se trouve, comme par exemple en Angleterre, que tous les canaux sont possédés par des compagnies qui les exploitent en vue d’un bénéfice. C’est qu’en effet le péage peut alors changer les conditions de la lutte en élevant les tarifs. Eh bien ! quelle en est alors l’influence ? Cette influence, répétons-le, est variable selon les positions. Il faut dire pourtant, et cette considération qui ne nous a point échappé est assez grave, que les chemins de fer ont toujours à cet égard un avantage qui frappe les yeux : c’est que, joignant au transport des marchandises celui des personnes, ils peuvent diviser pour ainsi dire le fardeau du péage entre les deux services, de manière à n’en laisser qu’une partie à la charge des marchandises.

Il y a plus : comme les chemins de fer n’ont pas en général, pour le transport des personnes, de concurrence à craindre, si la circulation des voyageurs devient assez active, rien n’empêche qu’ils ne reportent le péage tout entier sur cette seule partie du service, de manière à en exonérer complètement celle qui se rapporte aux marchandises. C’est même ce qui se pratique dans bien des cas, surtout en Angleterre. Cet avantage est réel, et il est grand : il suffirait pour rendre la lutte généralement impossible, si les canaux n’avaient pas à d’autres égards une supériorité marquée. Dans l’état présent des choses, il procure du moins aux chemins de fer une supériorité relative en certains