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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/304

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dans le péage ainsi réduit une suffisante indemnité. C’est là précisément ce qui dépendra, comme nous l’avons dit, de l’activité de la circulation, et par conséquent des positions. Il semble donc qu’il n’y ait à cet égard aucune règle générale à établir. On peut se demander toutefois si les revenus des canaux pris en masse, et sur un vaste ensemble de constructions du même ordre, resteront encore dans un juste rapport avec le capital engagé. C’est à quoi les faits seuls doivent répondre. Nous sommes heureusement en mesure de les interroger.

C’est en Angleterre surtout que la lutte est engagée dans de semblables conditions, parce que tous les canaux, au nombre de 121, sans compter 83 rivières canalisées, y sont possédés et exploités par des compagnies, et que d’ailleurs il ne s’y trouve plus, à l’heure qu’il est, une seule voie réellement productive qui ne soit en concurrence avec une ligne de fer parallèle. Eh bien ! qu’est-il arrivé de cette lutte ? quels en sont les résultats actuels ? Il est certain que l’établissement des chemins de fer a considérablement réduit les bénéfices antérieurs des compagnies propriétaires de canaux, en les forçant à baisser le chiffre des péages. Comment serait-il possible qu’il en fût autrement ? " Il est même arrivé, et cela devait être, que, pour quelques-unes de ces compagnies, les bénéfices se sont réduits à rien ; mais, pour un grand nombre d’autres, il se sont maintenus, et, pris en masse, ils sont encore après tout considérables. Il suffit, pour s’en convaincre, de consulter les tableaux présentés par M. Minard, inspecteur divisionnaire des ponts-et-chaussées, dans un ouvrage publié au mois de juin 1844[1]. Il résulte de ces tableaux que les principaux canaux réunis de l’Angleterre, qui avaient coûté à l’origine 10,367,000 liv. st., valaient en mai 1843, après l’ouverture des railways concurrens, 22,474,600 liv. st., c’est-à-dire deux fois et un quart le capital émis. Il est vrai qu’ils avaient valu 31,366,100 liv. st. avant l’établissement des chemins de fer ; mais qu’importe ? Il nous suffit de savoir que, sous l’action de la concurrence, leur valeur est demeurée fort supérieure au capital primitif. Depuis le mois de mai 1843, époque à laquelle se rapportent les indications fournies par M. Minard, cette valeur, nous le savons, a encore baissé. Supposons-la réduite actuellement à moins du double du capital d’émission, ou même, si l’on veut, à un et trois quarts de ce capital ; ce serait encore à ce seul point de vue une brillante spéculation,

  1. Des Conséquences du voisinage des chemins de fer et des voies navigables.