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spéculation supérieure même par les résultats financiers à celle de l’exploitation des chemins de fer, puisque cette dernière n’a guère donné jusqu’ici que deux tiers en sus du capital émis. Il n’en faut pas tant pour nous prouver qu’en général les canaux portent fort légèrement le poids de leur péage.

Ce résultat obtenu sur un ensemble de canaux anglais est d’autant plus remarquable que plusieurs de ces créations avaient été en tout temps, et bien avant l’établissement des chemins de fer, de fort mauvaises spéculations financières, soit que, lors de la grande ferveur pour la construction de ces voies navigables, après avoir épuisé toutes les bonnes positions, on se soit jeté en désespoir de cause sur les mauvaises, soit que plusieurs de ces travaux aient été entrepris par de riches propriétaires fonciers beaucoup plutôt en vue des avantages -agricoles qui devaient en résulter qu’en vue d’une exploitation commerciale. Ce qui est certain, c’est que dès avant la concurrence des chemins de fer il y avait plusieurs canaux, tels par exemple que ceux de Crinan, de Croydon, de Portsmouth et Arundel, etc., qui ne donnaient que des produits insignifians et n’avaient presque aucune valeur vénale ; ce qui fait comprendre encore mieux combien fermement se maintiennent ceux qui avaient réellement une valeur. Aussi en est-il qui ont donné et qui donnent encore des produits bien supérieurs à tout ce qu’on a pu obtenir sur les meilleurs chemins de fer connus.

Il est vraiment difficile de comprendre qu’en présence de résultats pareils on vienne nous parler de navigation compromise, de batellerie en désarroi, de circulation interrompue, et qu’on prédise déjà, pour un avenir prochain, la ruine définitive du système. Quand même les canaux, dans leur ensemble, ne donneraient que l’intérêt pur et simple des fonds engagés, disons mieux, quand même ils ne produiraient que la moitié de ces intérêts, ce qui réduirait leur valeur vénale à moins du quart de ce qu’elle est aujourd’hui, il n’y aurait pour cela, qu’on le sache bien, ni batellerie ruinée, ni circulation interrompue : les revenus des canaux seraient faibles, voilà tout, et il résulterait de là seulement qu’on renoncerait désormais à en construire d’autres dans l’unique vue de leur produit commercial. Quant à la batellerie, elle n’en poursuivrait pas moins sa marche régulière, avec cette seule différence qu’elle supporterait un péage moins élevé. Pour que la concurrence des chemins de fer affecte véritablement la batellerie, au moins d’une manière durable ; pour que cette concurrence