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les jésuites sous les quiétistes, avait réfuté ces derniers dans un livre où Fénelon voyait « la plus implacable critique des mystiques[1]. » L’abbé de Rancé, dans une lettre d’une modération et d’une clarté admirables, se prononça contre l’archevêque de Cambrai avec l’autorité que lui donnaient quarante années de solitude employées à méditer sur la perfection chrétienne. Pour Racine, j’ai dit qu’il avait prêté à l’archevêque de Paris une plume que conduisait certainement la plus pure conviction.

Presque tout le public éclairé se rangeait du côté de Bossuet, à Paris comme dans les provinces. C’était le savant abbé Nicaise de Dijon, le correspondant de Leibnitz et de nombre d’hommes éminens de l’époque, lequel, chose remarquable, attaquait les nouveaux quiétistes comme ennemis des belles-lettres[2]. C’était Mme de Scudéry, dont on sait combien l’esprit valait mieux que les livres, et qui écrivait à ce même abbé Nicaise ces paroles si sages : « Je ne veux point me mêler dans une dispute d’une matière si élevée, et je me tiens en repos, en me bornant aux commandemens de Dieu, au nouveau Testament et au Pater ; car je crois, ajoute-t-elle, qu’une prière que Jésus-Christ a consignée ne contient pas un intérêt criminel, quoique Mme Guyon la regarde comme une prière intéressée, ce qui renverserait les fondemens du christianisme. » Un autre correspondant de l’abbé Nicaise, l’abbé Bourdelot, lui écrit : « Depuis la Relation sur le Quiétisme, M. de Cambrai est tombé dans le dernier mépris, et on en veut mal à M. l’archevêque de Paris et à M. de Meaux de l’avoir laissé faire archevêque, sachant tout ce qu’ils en savaient… Tant qu’il n’a été question que du dogme, il partageait les esprits ; mais l’histoire et les faits l’ont accablé. » Il n’y a rien là que de vrai. Ce qui le prouve entre mille choses, c’est la conduite de ce même Perrault, qui, par complaisance pour les jésuites, avait retranché Arnauld et Pascal de ses Contemporains illustres, et qui, contraire d’abord à Bossuet, vint lui offrir, après la Relation, ses excuses et ses complimens.

Il parut, durant cette querelle, divers écrits, en vers ou en prose, où le bon sens public donnait gain de cause à Bossuet. On en fit un recueil, où tout est à lire, même la préface, dont certains passages sont d’une excellente plume, et qui traite d’ailleurs Fénelon avec le respect qu’il méritait. « L’homme, y est-il dit, est vain jusque dans ce qui le devrait le plus rabaisser et humilier. Il veut renchérir sur tout,

  1. Correspondance de Fénelon.
  2. Mélanges philosophiques, par M. Cousin.