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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/365

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Trône le chœur fatal des sept nixes ; leurs mains
De la rose des eaux balancent le calice,
Leurs yeux guettent le jour dont un pur rayon glisse.

Et dès que sur les flots par la brise emporté
Un navire fuit comme une ombre,
Du royaume des eaux monte une clameur sombre,
Un affreux cri de mort par sept fois répété.

Une cloche magique alors s’ébranle et sonne,
Les pâles sœurs dansent en rond ;
Leur robe se défait, leur ceinture se rompt,
Leurs cheveux dénoués laissent choir la couronne.

Et la mer aussitôt déchaîne ses fureurs,
Et les élémens en délire
Rugissent autour du navire
Jusqu’à ce qu’il s’abîme au sein des profondeurs.


Ainsi chante l’astrologue Dracon au balcon de la princesse Liligi, sa blonde élève, qu’il a charge d’instruire dans les sciences occultes. Vers minuit, le grimoire s’est clos, et l’ardente jeune fille a supplié le maître de satisfaire à sa passion du merveilleux en lui contant des légendes d’un autre monde, la Grotte des Sept-Sœurs, par exemple, et l’histoire du Fils du Roi. L’astrologue n’a rien à refuser à la princesse, et le voilà commençant les préludes que nous venons d’entendre. La lune se mire dans les transparences vives des grandes eaux du parc ; le pin rend ses accords nocturnes, de tièdes bouffées d’aubépines et d’acacias nagent dans l’air, et puis la voix de l’alchimiste a des vibrations si profondément sympathiques, car maître Dracon n’appartient point à cette race classique d’astrologues rébarbatifs qu’on nous montre la baguette à la main, et sur le dos une robe sordide à peine digne d’orner la carcasse d’un usurier talmudiste du Ghetto. Dracon est jeune encore, il est beau, et dès qu’un peu d’exaltation s’en mêle, son œil noir jette des flammes. O douce et blanche Liligi, pourquoi prolonger cette heure dangereuse ? Que fait donc votre imprudente mère ? Cependant la jeune fille continue s’enivrer des paroles de l’enchanteur, qui, tandis qu’un charme inconnu la fascine, étend ses mains sur elle, et de sa lèvre basanée effleure ses doux yeux d’hyacinthe, dont une somnolence magnétique appesantit déjà les paupières. Liligi s’endort, et pendant son rêve il lui semble qu’elle entend les harmonies des sphères, et que les étoiles révèlent à son esprit le secret de nos destinées. Bientôt pourtant elle