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l’income-tax, impôt qui pesait sur les revenus et non sur les salaires, et dont les conséquences ne se faisaient pas sentir au-dessous des régions moyennes de la société. Par-là, les revenus de l’aristocratie s’accrurent d’une somme égale à la taxe, c’est-à-dire de 10 pour 100 ; les classes qui recueillaient déjà les bénéfices du gouvernement parvinrent à s’affranchir des charges qu’entraîne l’administration d’un grand état.

A la même époque, les propriétaires fonciers, non contens de se décharger sur la masse des consommateurs du poids des taxes publiques, cherchèrent à établir directement un impôt à leur profit. Avant 1815, les blés étrangers pouvaient être introduits en franchise, lorsque le prix des blés indigènes s’élevait à 68 shillings (82 fr. 50 c.) par quarter ; on restreignit cette faculté au taux de 80 shillings (100 fr.). Ce fut comme si l’on avait frappé les grains dont se nourrit le peuple, dans un pays qui n’en produit pas des quantités suffisantes pour sa consommation intérieure, d’une taxe de 14 shill. (17 fr. 50 c.) par quarter. Les lois sur les céréales, lois de cherté pour les classes inférieures, lois de privilège pour les classes supérieures, eurent ainsi pour effet d’élever le prix des fermages et d’augmenter par conséquent la valeur des biens fonds. Ce fut une liste civile que se vota l’aristocratie. Quatre ans plus tard, une mesure inévitable, la reprise des paiemens en espèces, en donnant aux billets de banque la valeur de l’or, aggravait encore l’inégalité des fortunes, car il en résultait une altération très sensible dans le taux réel des contrats à longue échéance, et par suite un surcroît d’opulence pour les maîtres du sol.

L’aristocratie britannique ne peut donc s’en prendre qu’à elle-même des commotions qui agitent le royaume depuis trente ans. L’ordre établi n’eût peut-être jamais été attaqué, si elle avait gouverné dans l’intérêt de tout le monde. Cette partialité, ou plutôt cet égoïsme du gouvernement a produit ce que les Anglais appellent une législation de classe ou de caste (class législation), et rien ne provoque le mécontentement du peuple comme le défaut d’équité dans les corps politiques qui sont chargés de faire les lois.

Certes, l’Angleterre n’est pas un pays en révolution. Il y a déjà plus de deux cents ans que ses institutions ont pris leur assiette, et qu’elle débat les conséquences des principes que la plupart des nations de l’Europe en sont encore à poser. Sans doute, l’aspect des choses se modifie incessamment dans cette contrée, mais le fond reste immuable. C’est un peuple en marche, mais qui suit toujours la même direction et qui ne perd jamais de vue le point de départ : voilà ce qui