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Histoire constitutionnelle de la Monarchie espagnole, par M. Victor du Hamel[1]. — Pour beaucoup d’écrivains, l’Espagne est restée un pays de fantaisie, peuplé de mille terribles ou charmantes images. Lorsqu’on nous parle de l’Alhambra, de Séville, de Tolède, des bords de l’Èbre et du sombre palais de l’Escurial, rien de réel ne se présente à l’imagination, et il semble que le romancero soit la meilleure histoire de tous ces vaillans souverains, de ces grands inquisiteurs, de ces orgueilleuses reines, de ces guerriers, de ces moines, de ces maîtresses de rois. Il n’est pas donné à tout le monde d’échapper à un tel prestige, et parmi les livres nombreux écrits sur l’Espagne, on compte ceux où la fantaisie n’est pas intervenue aux dépens de l’observation et du bon sens. C’est à cette catégorie trop restreinte qu’appartient l’ouvrage publié par M. Victor du Hamel sous ce titre : Histoire constitutionnelle de la Monarchie espagnole. M. du Hamel a su comprendre les exigences de ce sujet ; il a porté dans l’accomplissement de sa tâche la conscience et le zèle qu’on aime à rencontrer chez l’historien. Il n’était pas inutile de rappeler même aujourd’hui que bien des siècles avant que l’Angleterre eût rêvé sa célèbre constitution de 1688, le système représentatif tant vanté existait dans la Péninsule. M. du Hamel donne de curieux détails sur la vieille législation espagnole ; il cite à ce propos des passages intéressans du Fuero Juzgo et du code des Siete Partidas. La période que retrace l’historien s’étend depuis 411 jusqu’à 1833, c’est-à-dire depuis l’invasion des Vandales jusqu’à la mort de Ferdinand VII. L’ouvrage se divise en quatre parties. La première et la seconde contiennent le précis historique des institutions nationales, l’histoire en un mot des constitutions de Castille et d’Aragon depuis Pélage jusqu’à la réunion des deux couronnes sous Ferdinand et Isabelle. La troisième continue cette histoire (devenue dès-lors celle d’Espagne) sous la domination de la maison d’Autriche, et la quatrième passe en revue les faits constitutionnels survenus après l’établissement des Bourbons sur le trône en la personne de Philippe V. Le livre de M. du Hamel a surtout ce grand avantage, qu’il servira pour ainsi dire de commentaire à l’histoire de l’Espagne contemporaine. On comprend mieux les passions et les luttes qui agitent ce pays depuis quinze ans, quand on remonte vers ces temps peu connus où retentissait déjà, poussé par les meilleurs et les plus énergiques citoyens, ce cri de guerre de Padilla : Libertad et Fueros ! On sent mieux aussi combien est grave la signification de ces mots, lorsqu’on sait que les fueros aragonais donnaient au peuple, dans certains cas, le droit de déposer le souverain et d’en élire un autre à sa place. Il est fâcheux seulement que l’esprit de parti se révèle trop ouvertement dans cet ouvrage, et que l’histoire y serve trop souvent de prétexte au développement d’opinions toutes personnelles. Nous ne serons pas les seuls à nous trouver en désaccord avec l’auteur, au sujet du fameux auto acordado de

  1. Deux volumes in-8o, chez Amyot, rue de la Paix.