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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/402

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avec le plaisir, partout le rhythme du nombre répand le bonheur sur les groupes et les séries, soit des fleurs, soit des mondes : ici encore Fourier est soutenu par une foi inébranlable. L’homme seul est malheureux ; donc la civilisation intervertit le nombre qui doit le gouverner. Qu’on l’arrache à la civilisation et qu’on le replace dans le nombre de l’harmonie universelle. Alors l’ordre qui domine le mouvement physique, le mouvement organique, le mouvement animal, éclatera dans l’humanité, c’est-à-dire dans le mouvement passionnel ; la nature organisera elle-même l’association, partout l’industrie de l’homme se trouvera identifiée avec le bonheur et infaillible comme l’instinct. Fourier oublie complètement que le rhythme du plaisir est aussi le rhythme de la douleur.

Le phalanstère suppose la théorie des nombres, rien n’est plus évident, et, par une bizarrerie qui n’est pas la moindre, Fourier n’expose nullement cette théorie dans ses livres. La science du phalanstère se dérobe ainsi à l’examen lorsqu’on se croit sur le point de la saisir ; nous n’avons plus qu’à la deviner. Tout l’effort de Fourier consiste à noter les nombres les plus solennels qui se répètent dans la création pour identifier le rhythme de la création et les harmonies de la musique. Cette opération achevée, on ne sait comment, il veut que la nouvelle commune soit organisée d’après un nombre donné par la musique et correspondant à l’ordre universel. Il reprend donc ici sa psychologie, ses douze passions ; il les traduit dans les sept notes et les cinq demi-tons de l’octave ; il traduit successivement les caractères en autant d’accords formés par la réunion de plusieurs notes ou passions. Dès-lors l’homme, les sentimens disparaissent, il ne reste plus que des notes ; Fourier compte les accords de la musique, il dresse l’échelle de toutes les harmonies, et comme le nombre 810 lui donne une série complète d’accords correspondans à une foule d’assonances cabalistiques, il en conclut qu’il doit y avoir toutes les harmonies instinctives dans les 810 personnes ou caractères, lesquels, doublés par les deux sexes, forment l’association phalanstérienne de 1620 personnes. C’est là le petit tourbillon harmonique dans lequel les hommes se groupent, se séparent, s’attirent ou s’éloignent les uns des autres, d’après les lois de la musique mondiale ; transformés en accords vivans, ils soulèvent 30,000 antipathies ou discords pleins, 1,200,000 demi-discords, et mille autres modulations, sans sortir jamais du nombre sacré, qui représente l’attrait universel.

Tout le système de Fourier présente la symétrie d’un rhythme symbolique : les 32 chœurs de la phalange répondent aux 32 dents de l’homme, les 810 caractères aux 810 muscles du corps humain ; les 400 travaux, les 400 familles de la phalange, les 4,000,000 de phalanstères sortent de la tétrade ; la septénaire des couleurs et des tons constitue le groupe, et la civilisation à son tour, cette antithèse de l’harmonie, développe les vices de la propriété, de la famille, du commerce, des infidélités conjugales, vices que l’on compte dans chaque catégorie d’après un nombre symbolique pris au rebours. La forme du système, le but extraordinaire de l’industrie attrayante, le principe