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la langue de la race victorieuse. Dans les highlands de l’Écosse, il n’y a plus que les vieillards qui parlent l’idiome de Rob Roy, et l’anglais est d’un usage vulgaire en Irlande, jusque dans les solitudes du Connaught. Dans le pays de Galles, plus de la moitié des habitans parlent une langue qui leur est propre ; les enfans même qui demandent l’aumône sur les routes ne savent que ces deux mots d’anglais « half a penny, sir. » Les Gallois gardent cette ignorance incommode jusque dans les villes de l’Angleterre ; Liverpool renferme plus de vingt chapelles où l’on prêche en langue gaélique, et où le même idiome est seul employé dans le service divin. L’intérêt cependant commence à prévaloir sur l’aversion. Les Gallois comprennent que la connaissance de l’anglais peut devenir pour eux une ressource ; ils le considèrent, dit un témoin interrogé dans l’enquête, « comme la langue de l’avancement, » comme un moyen de faire leur chemin dans le monde ; aussi les écoles de paroisse sont-elles désertes, quand on n’y enseigne que le gaélique ; l’enseignement de l’anglais est la seule chose qui décide les parens à y envoyer leurs enfans. Quel parti ne tirerait pas de cette disposition un gouvernement qui dirigerait la sollicitude des pouvoirs publics vers l’éducation du peuple !

Au rebours de l’Écosse, où l’individualité nationale s’efface tous les jours, bien que cette contrée jouisse encore d’une sorte d’individualité politique, le pays de Galles, qui n’a pas une existence politique distincte de celle de l’Angleterre, a conservé néanmoins son caractère original : la principauté est encore une nation. On a traité les Gallois comme des Anglais, et ils sont tout autre chose ; leur état légal ne répond pas à leur état réel, Les Irlandais se plaignent et ont le droit de se plaindre de ce que, en les faisant entrer dans l’union britannique, on ne les y a pas admis sur le pied d’une complète égalité. Les Gallois pourraient articuler la plainte contraire, car ils souffrent principalement de l’assimilation que l’Angleterre a tenté d’établir.

Jusqu’aux premières années du XVIIe siècle, la coutume du pays de Galles admettait le partage égal des héritages, qui avait amené une extrême division dans la propriété. La petite propriété convient à cette contrée semée de montagnes, sillonné par les rivières et les torrens, et où de vastes espaces stériles séparent les terrains cultivés. Elle n’est pas moins en rapport avec la rareté des capitaux et avec la médiocrité des fortunes. Il a donc fallu faire violence aux mœurs des Gallois pour introduire dans leurs usages le droit d’aînesse, cette loi aristocratique de l’Angleterre, et pour accumuler par suite les terres dans un petit nombre de mains ; mais quand il ne leur e plus été permis