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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/546

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famille pour ce qui concerne la morale et la vie domestique, de telle manière qu’au moyen d’une imperceptible cotisation, et par l’effet de la mutualité, chaque corporation possède une chapelle, une école, une salle d’asile. — Dans chaque communauté, les intérêts industriels sont protégés par un syndic à la nomination des autorités supérieures, éligible parmi les travailleurs eux-mêmes ; la surveillance morale appartient au curé, qui est de droit président du conseil de famille. L’ample et belle mission confiée au clergé catholique, les encouragemens donnés au mariage et aux sentimens de famille, une adhésion sincère aux institutions civiles de la métropole, offrent une garantie complète aux personnes qui pourraient craindre qu’une utopie se cachât sous l’apparence d’une réforme industrielle.

De l’autre côté de l’Amazone, et précisément dans le voisinage de la Guyane française, les jésuites avaient institué parmi les sauvages indiens des communautés agricoles dans lesquelles le travailleur, astreint à une tâche journalière, recevait en échange les objets nécessaires à ses besoins personnels. Affranchi de la prévoyance, il vieillissait dans une espèce de minorité contraire à toute émulation, à tout progrès social. C’était le communisme pur et simple, avec ses minces avantages et ses dangereux inconvéniens. Il n’en serait pas de même dans la Guyane régénérée. Le travail y devant être estimé, non à la journée, mais à la tâche, suivant l’usage des colonies[1], l’ouvrier pourrait augmenter le produit de sa journée en proportion de son énergie et de son aptitude. Avec de l’intelligence et de l’économie, rien ne l’empêcherait d’amasser un petit capital, d’entreprendre à son compte une spéculation agricole, soit comme propriétaire, soit comme fermier, de réunir même à sa qualité modeste d’ouvrier celle d’actionnaire de la compagnie. Il n’y a donc pas lieu de craindre que la race affranchie soit immobilisée de nouveau dans les entraves d’une féodalité industrielle.

Craignant d’être ébloui par une séduisante illusion, nous avons traduit les faits en chiffres, en complétant par nos recherches particulières les documens fournis par la société d’études. Il nous a paru démontré que les dépenses faites aujourd’hui par les colons suffisent pour améliorer considérablement le sort des affranchis en obtenant d’eux une plus grande somme de travail. Laissons parler les chiffres :

  1. La tâche représente plus de travail que la journée commune ; aussi est-elle mieux rétribuée. Cependant cette tâche est réglée de manière qu’en général un bon ouvrier puisse l’avoir finie vers deux ou trois heures du soir.