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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/577

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aboli, la chambre des pairs, on peut le dire, a le droit de réclamer sa part dans ce double succès, pour avoir fourni au ministère les deux négociateurs habiles qui l’ont si bien servi. De pareils titres, joints à beaucoup d’autres, doivent protéger les prérogatives de la chambre des pairs. Il faut espérer que le pays ne les oubliera pas.

Il était difficile que la négociation de M. Rossi ne devînt pas l’objet d’un débat au Luxembourg ; M. le comte de Montalembert, en gardant le silence, eût craint de s’avouer vaincu. Le langage de l’orateur catholique a été violent et amer ; il nous a menacés de la colère des évêques ; il nous a dit que l’avant-garde catholique était tombée sous le feu de l’ennemi, mais que le corps d’armée restait, décidé à continuer la guerre et à la pousser vigoureusement. Il nous a confessé cependant que les jésuites avaient été un embarras pour la cause de l’opposition catholique : ils avaient le tort d’être impopulaires. On n’est pas fâché maintenant d’en être délivré ; on se battra sans eux, et on n’en sera que plus fort. Que diront les jésuites de se voir ainsi congédiés par leurs plus chauds amis, et que diront les vénérables membres du clergé français de se voir ainsi transformés en une faction guerroyante, prête à descendre dans l’arène pour y combattre le gouvernement et les lois ? Est-ce là le langage qui convient aux défenseurs de l’église ? Ces quatre-vingts évêques que M. de Montalembert nous représente armés de pied en cap pour soutenir un siège contre les pouvoirs de l’état, ont-ils donc voulu que leur cause fût ainsi défendue ? M. Guizot a fait une réponse digne et ferme à ces provocations insensées. Nous ne pouvons croire, du reste, que la majorité du clergé français les approuve. Après le discours de M. de Montalembert, nous avons eu la lettre de M. l’évêque de Langres, qui prétend que tout est vénal en France, hormis le catholicisme ; puis nous avons eu la lettre de M. l’évêque de Chartres, document curieux, où il est dit, entre autres choses, que M. Rossi a suivi le mois de Marie dans les églises de Rome, que l’astucieux diplomate a trompé la bonne foi et la candeur du général des jésuites, que le révérend père général de la société ne connaît rien des choses de ce monde, et que M. Cousin est un ennemi de Dieu et de l’humanité. Voilà jusqu’ici à quoi se sont bornées les protestations épiscopales contre la dissolution des jésuites. Elles n’ont rien, comme on voit, de très alarmant.

M. le comte de Montalembert, dont les exagérations pieuses ont excité plus d’un murmure sur les bancs du Luxembourg, a été mieux inspiré en retraçant le tableau des calamités qui affligent les chrétiens d’Orient. Ses paroles ont vivement ému la chambre et ont provoqué de la part de M. le ministre des affaires étrangères des explications dignes d’une attention sérieuse. M. Guizot reconnaît que la situation du Liban est déplorable. La paix récemment conclue ne peut durer. D’un moment à l’autre, la guerre se rallumera et enfantera de nouvelles horreurs. Quelle est la mission de notre gouvernement dans ces douloureuses circonstances ? Quelle est la cause du mal, quel est le remède ? M. Guizot, comme tout le monde en France, est