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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/584

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de son influence politique, ne doit jamais laisser échapper à la sphère de son action !

La situation de la Péninsule est pour le moment fort calme. L’énergique et habile général Coucha vient d’en finir avec les pronunciamientos et les émeutes de Catalogne. Le projet de voyage de la reine dans les pays vascongades a seul réveillé quelques inquiétudes. On a tant parlé déjà de ce voyage, il a soulevé au sein même du parti modéré de si vives répugnances, et, pour tout dire, de si violens transports de colère, qu’il convient d’insister un instant sur les seules conséquences qu’à notre avis il puisse entraîner. S’il en faut croire les uns, les carlistes n’attendent que l’arrivée de la reine à Saint-Sébastien et à Pampelune pour relever l’étendart de l’insurrection ; mais ces craintes chimériques ne seraient-elles pas affectées ? On sait bien qu’en Navarre et dans les pays basques, pas plus que dans le reste de l’Espagne, rien n’est prêt, rien ne peut l’être pour un pronunciamiento ; on sait d’ailleurs que les principaux carlistes ne sont disposés d’aucune façon à compromettre par un vrai coup de tête les négociations qu’ils ont entamées récemment, au sujet du mariage de la reine, avec la fraction absolutiste du parti dominant. Suivant d’autres informations, il faudrait redouter surtout le mécontentement des fueristes, l’irritation des Basques, dévoués quand même à l’ancienne organisation politique et civile de leurs provinces. En effet, il y aurait là un grave danger, si les fueristes étaient fermement résolus à réclamer par la force ouverte l’accomplissement des promesses qu’on leur a faites après la convention de Bergara. Heureusement on est certain aujourd’hui que jamais leurs dispositions n’ont été plus pacifiques, nous ajouterons même plus favorables à l’unité constitutionnelle du royaume. Les Basques sont loin de renoncer tout-à-fait à leurs privilèges ; mais ils sont loin également d’exiger qu’on les rétablisse tels qu’ils subsistaient avant la révolution, il y a un an déjà, une commission a été chargée de débattre la question au nom du gouvernement central et au nom des provinces vascongades. Parmi les membres dont cette commission se compose, il n’en est pas un qui, à un égal degré, ne mérite et ne possède la confiance du gouvernement et celle des provinces, pas un qui ne soit animé des meilleurs sentimens de conciliation, pas un enfin qui n’ait fait ses preuves de dévouement à la reine. Quelle autre garantie peut-on souhaiter de la modération et du bon vouloir des fueristes eux-mêmes ? Nous croyons, pour nous, que la monarchie constitutionnelle ne peut que gagner à ce voyage de la reine dans des provinces où, depuis la guerre civile, elle ne s’est point montrée une seule fois. Au fond, comme tous les autres Espagnols, les habitans des pays vascongades connaissent les conditions essentielles du gouvernement représentatif ; à quel titre réclameraient-ils de la reine Isabelle le redressement immédiat des torts dont ils croient avoir à se plaindre ? à quel titre la reine Isabelle admettrait-elle leurs griefs, et s’engagerait-elle à y faire droit ? C’est à Madrid, et non à Saint-Sébastien, que la