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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/601

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par nous, où nous laissâmes un poste. Dans toute cette partie du pays et jusqu’à Vedjez-el-Hammar (gué de l’Ane), la végétation se montre plus en plus vigoureuse ; les lentisques et les oliviers couvrent le sol, sans jamais atteindre cependant une hauteur de plus de dix à douze pieds. Les montagnes, à droite et à gauche de la route, sont revêtues d’un épais manteau de verdure, et les lauriers-roses y croissent en profusion.

Nous fîmes une très longue halte à Hamman-Berda, afin que les deux bataillons du 17e léger, colonel Corbin, que nous y avions trouvés, pussent gagner le camp de Medjez-el-Hammar à peu près en même temps que nous. Baudens pansa dans ce lieu un pauvre diable qui avait eu le pied fracassé par la balle d’un Arabe le matin même, dans sa charrette, à quelques kilomètres du camp. Cinq à six Kabyles, embusqués dans des buissons, avaient tiré sur lui et blessé sa mule. Ils s’étaient enfuis à la vue du premier homme d’escorte. Ce fait nous commandait la plus grande circonspection, et cependant M. le duc de Nemours marchait en avant de la colonne sans se faire éclairer, sur un terrain fort accidenté, couvert d’arbres, et de broussailles, du milieu desquels des Arabes cachés auraient pu l’ajuster très commodément. Nous fûmes obligés de faire détacher sans ordre une dizaine de chasseurs du 2e régiment, qui se portèrent en avant et fouillèrent un peu le pays, car nous tremblions que notre chef ne vînt à tomber dans quelque embuscade. Je dois ajouter, pour être vrai, que nos éclaireurs, en battant les buissons et les fourrés, ne firent lever que des perdrix.

A un quart de lieue du camp de Medjez-el-Hammar, le lieutenant-général, gouverneur, comte de Damrémont, vint à la rencontre du prince, entouré d’un brillant état-major : l’arrivée de cette troupe de cavaliers au galop, soulevant un nuage de poussière, était d’un bel effet. Rien ne me parut plus pittoresque que l’aspect du camp éclairé par un beau soleil d’Afrique. D’immenses montagnes couvertes de verdure fermaient de tous côtés l’horizon ; les blanches draperies des tentes, les arêtes nettement détachées des fortifications, les feuillages des abris et de tous les postes avancés, donnaient à ce paysage militaire un air de parure et de fête. De petits ouvrages pour nos grand’gardes étaient construits sur les éminences environnantes. Le gouverneur et les commandans du camp avaient eu la sage précaution de fortifier tous les postes, ou du moins de leur construire à tous des abris, avec une petite ceinture de pierres sèches, afin de protéger autant que possible nos sentinelles avancées contre le feu des Kabyles,