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Nous côtoyâmes la rive gauche en revenant au camp, ce qui nous fit passer sur le champ de bataille du 24 septembre, et traverser les positions qu’avaient occupées alors les troupes du bey. Le sol portait l’empreinte des pas nombreux de la cavalerie ennemie. — Au retour de cette promenade, il fut résolu qu’on enverrait le lendemain une forte reconnaissance sur le Raz-el-Akba, afin de savoir si l’ennemi n’aurait pas tenté de détruire les travaux que nous y avions faits pour faciliter le passage de l’armée. Je demandai et j’obtins la permission de prendre part à cette reconnaissance.

Le 29 au matin, un bataillon du 47e de ligne et un peloton du 3e chasseurs sous les ordres d’un chef de bataillon sortirent du camp et se dirigèrent du côté du col, où nous avions ordre de pénétrer si nous ne rencontrions pas l’ennemi. Un officier de l’état-major-général, le capitaine Renard, et un officier du génie aide-de-camp du général Lamy s’étaient joints à nous. Les chasseurs nous éclairèrent et nous servirent d’avant-garde. Nous trouvâmes la route parfaitement intacte ; elle avait été respectée par les Arabes. Nous remarquâmes sur notre chemin plusieurs points où ils devaient avoir bivouaqué lors de la dernière affaire. Une prodigieuse quantité de vautours était occupée à dépecer les corps de quelques chevaux morts abandonnés par l’ennemi. Nous espérions pouvoir atteindre sans coup férir la sommité la plus élevée du Raz-et-Akba, car la reconnaissance avait ordre de ne pas s’engager, et nous parvînmes jusqu’à environ un kilomètre du col sans accident, à un lieu nommé Hannounah, où nous fîmes halte auprès d’une belle fontaine. Après avoir pris quelques instans de repos, nous nous remîmes en marche, mais nous avions fait à peine deux cents pas, que des chasseurs d’avant-garde accoururent pour prévenir le commandant que des cavaliers arabes en grand nombre occupaient le col et venaient à nous. J’avais beau ouvrir de grands yeux et parcourir du regard toutes les montagnes à l’entour, il m’était impossible d’apercevoir aucun ennemi, et j’avoue que je ne m’expliquais pas l’urgence du mouvement rétrograde qui fut à l’instant ordonné. Au bout de quelques instans, j’entendis une faible détonation qui me parut provenir d’un coup de fusil tiré dans la vallée à un quart de lieue. Je fis remarquer au commandant que des officiers chassaient sans doute aux environs. Il sourit et me dit : « Je vois que vous n’avez pas encore une grande habitude des Arabes ; c’est l’attaque qui commence, nous allons avoir peut-être dans quelques minutes une sérieuse affaire sur les bras. » Il avait raison en effet, et j’ai acquis plus tard l’expérience