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de l’autre. Toutes les lunettes de l’armée furent aussitôt braquées sur cette ville si intéressante pour nous, et dont nous étions en ce moment éloignés de 23,300 mètres ; on crut voir sur le Coudiad-Aty des ouvrages de fortification qui ne défendaient pas cette position l’année précédente ; nous sûmes depuis que nous avions pris pour de nouveaux ouvrages des marabouts blanchis à la chaux qui brillaient au soleil, et qu’en raison de la distance nous ne pouvions pas bien distinguer.

Achmet commit une faute en ne fortifiant pas le Coudiad-Aty ; il aurait dû nous disputer pied à pied tous les abords de la place, au lieu de se borner à s’enfermer dans les murs de sa ville. Quelques redoutes sur le Sattah-Mansourah et sur le Coudiad-Aty ne nous auraient certes pas arrêtés sérieusement, mais elles nous auraient fait perdre du temps et consommer des munitions ; or, c’était un point immense pour notre adversaire que de pouvoir gagner quelques jours. Je me suis souvent demandé aussi pourquoi Achmet n’avait pas fait creuser un fossé devant le front qu’il s’attendait bien à nous voir attaquer, et n’avait pas fait élever un talus, de façon à nous masquer le rempart dont l’escarpe était parfaitement visible pour nous du haut en bas, ce qui nous permit de battre en brèche très commodément. Il n’ignorait certes pas que nous choisirions le front de la porte El-Gharbia comme le seul accessible, car il l’avait muni d’une assez respectable artillerie ; il n’eut pas cependant la pensée de la protéger contre le tir de nos grosses pièces, ou du moins de rendre plus difficiles les tentatives d’escalade auxquelles, soit dit en passant, j’ignore comment nous n’avons pas eu recours. Cette incurie ou cette ignorance me donne lieu de croire, malgré ce qu’on a prétendu, qu’aucun Européen ne guidait Achmet de ses conseils, car il n’est pas un sous-officier d’artillerie français, anglais ou allemand, qui n’eût compris ce qu’il était très facile et très nécessaire d’ajouter aux moyens de défense de la ville. Il paraît, au reste, que le bey croyait fermement Constantine imprenable ; notre échec de l’année précédente, les prédictions de marabouts fanatiques, avaient exalté sa confiance et enflammé son courage au point de lui faire considérer la victoire comme assurée pour lui.

Le monument qui s’élève sur la montagne de Summa est d’un aspect singulier ; c’est un tronc de pyramide en escalier, surmonté de masses de pierres de toutes les formes. On ne sait quelle destination attribuer à cette construction bizarre, à moins de supposer que les Romains n’aient voulu établir un point trigonométrique visible à une