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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/654

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tribus à la vie sociale est-elle une œuvre longue et pénible ; elle ressemble en tous points à l’éducation de l’enfance. Comme la première action d’un nouveau-né est de se saisir en quelque sorte lui-même, d’essayer ses membres, et de chercher instinctivement les limites de son être, pour s’assurer qu’il existe, de même en est-il pour la plupart des peuples nouveaux que nous avons désignés sous le nom général de peuples gréco-slaves.

L’histoire des nationalités gréco-slaves, durant ces dernières années, se résume tout entière dans un double mouvement de concentration et d’épuration. Elles ont voulu, d’un côté, exclure les élémens étrangers, qui ont jusqu’à présent étouffé dans ces contrées l’essor du génie national, de l’autre combiner et fondre en un tout compacte les élémens indigènes encore désunis. Ainsi absorbé dans une double tâche, chacun de ces corps sociaux, qu’a dissous une conquête ou ancienne ou récente, tend à se reconstituer et s’essaie à la résistance. Le moment est venu, nous le croyons, de soumettre à un examen critique ce travail de transformation qui, notamment depuis 1840, agite en tout sens les quatre nations libérales du monde gréco-slave, les Polonais, les Bohêmes, les Hongrois et les Hellènes. On se convaincra qu’elles ont, en dépit de leurs oppresseurs, accompli silencieusement, souvent même à l’insu de l’Europe, des réformes considérables et réalisé d’importans progrès dans la littérature, comme dans les mœurs et dans tout l’ordre social.


I. – LA DIETE HONGROISE

A la tête de ces contrées en voie de régénération se place incontestablement la Hongrie. Les deux grands partis qui divisent les Hongrois, le parti illyrien et le parti maghyar, malgré leur animosité mutuelle, savent s’unir et se confondre chaque fois qu’il s’agit du progrès des institutions. La guerre des langues que ces deux partis viennent de se faire avec tant d’acharnement dans la presse et à la diète peut être considérée comme finie, si les Maghyars savent, comme ils l’ont promis, user de leur victoire avec générosité. Ce qu’ils demandaient, c’était la reconnaissance de leur langue comme langue officielle dans toute l’étendue du royaume, ou plutôt des royaumes-unis de la Hongrie ; et cette demande, repoussée avec obstination depuis quatre ans, le cabinet aulique a dû enfin l’accorder. Jusqu’ici défenseur obstiné des traditions héréditaires et féodales, le gouvernement