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impérial s’est laissé un moment surprendre et entraîner par les patriotes maghyars, qu’il espérait gagner à ses exigences. On n’en saurait toutefois rien conclure en faveur du cabinet de Vienne. L’histoire impartiale doit constater qu’il n’y a pas eu, durant la dernière session des chambres hongroises, un seul projet de loi libéral auquel ce cabinet n’ait résisté de tout son pouvoir. L’Autriche, qui paralyse tant qu’elle peut les progrès de la Hongrie, est parvenue cependant, à force de protester de ses bonnes intentions, à tromper l’Europe sur le vrai caractère du mouvement national en Hongrie. A l’en croire, les Hongrois seraient dominés par des tendances rétrogrades et des préjugés féodaux. Cette lutte de l’Autriche et de la diète mérite de fixer notre attention. On verra à travers quels obstacles s’opèrent ici le développement de l’esprit public et la transformation des mœurs.

C’est en 1842 que le cabinet autrichien fut pour la première fois poussé par la diète hors du système sacramentel baptisé par lui du nom d'aviticité (culte des aïeux). La diète qui remporta cette victoire était la soixante-quatrième des états confédérés de la Hongrie. Pour ne pas rester en arrière de leurs prédécesseurs, les membres du nouveau congrès assemblé en 1844 avaient une rude tâche à accomplir. Ils devaient terrasser des préjugés formidables, se tenir constamment à une hauteur d’idées et de sentimens qui pouvait les entraîner dans l’utopie. Cependant ils n’ont pas un instant perdu de vue les nécessités de leur situation ; sentant que de toutes les plaies qui dévorent leur pays la plus menaçante est l’antique oppression des classes agricoles, ils ont commencé hardiment la réforme de leurs lois urbariales[1]. La diète de 1844 a élaboré une série d’articles qui doivent avoir pour résultat de faire arriver enfin les plus pauvres paysans au rang du citoyen et du propriétaire. L’avant-dernière session avait déjà décrété la marche à suivre par le paysan qui voudrait racheter sa terre des corvées et des redevances seigneuriales ; mais l’exécution de ce décret rencontre un obstacle. Le rachat des terres suppose de l’argent, et le peu de numéraire que le travail procure au paysan, il est obligé de le verser annuellement en impôts au fisc autrichien. Le seul moyen de réaliser le rachat ou l’affranchissement des terres corvéables serait donc de prêter à leurs possesseurs de quoi les racheter. C’est dans ce but que la Hongrie a réclamé la fondation d’une banque qui prêterait sur hypothèque l’argent nécessaire aux cultivateurs. La

  1. Ce nom désigne les lois destinées à régler les rapports entre les citoyens ou seigneurs et leurs serfs.