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celle de la Prusse. Frédéric-Guillaume n’a répondu à cet avis que par une désapprobation formelle ; son idée fixe est que tout en Prusse doit devenir prussien, comme en France tout est français. Aussi quand, pour justifier à la cour les plaintes, ou, comme disait le ministère, les pétulances de la diète, le comte Raczynski démontra que l’administration du grand-duché, au lieu d’être polonaise, était toute prussienne, il fut poliment éconduit, et les efforts tentés par l’administration pour germaniser les terres polonaises reçurent une pleine approbation.

Ces témoignages étaient plus que suffisans pour faire revenir les Polonais de leurs illusions sur le nouveau roi de Prusse : ils ont dû se détourner de lui, et ne plus rien espérer que d’eux-mêmes. Forcé de renoncer aux sympathies polonaises, le cabinet prussien est retourné à son alliance avec la Russie, et l’horrible cartel d’extradition a été renouvelé. D’après l’ancien traité, pour chaque déserteur polonais remis aux gardes-frontières de Russie, le gendarme prussien recevait une récompense de 10 thalers. Ce prix du sang excitant la cupidité prussienne, les gendarmes s’étaient mis à faire de véritables chasses aux hommes. Cependant les victimes ainsi livrées expiraient le plus souvent sous le knout ; cinq cents coups leur étaient appliqués dès qu’ils touchaient le sol russe, et avant même leur jugement légal. Si cet infâme prix du sang a été interdit par les clauses du nouveau cartel, le sort des fugitifs n’est pas devenu plus doux. Désormais les Polonais seront forcés de confondre dans une malédiction commune leurs oppresseurs allemands et leurs ennemis russes ; mais, nous le répétons, ils n’en reviendront que d’un pas plus ferme à l’unité. C’est dans le duché de Posen surtout que ce mouvement unitaire devient fécond, et imprime aux études un essor vraiment remarquable. Aussi la population a-t-elle prié unanimement le roi de compléter l’institution des gymnases nationaux par la fondation d’une université polonaise à Posen, prière que le cabinet a déclarée intempestive. Il en a été de même pour les demandes de la diète de 1844. Parmi ces pétitions, on en remarquait deux qui prouvent combien la noblesse actuelle de Pologne se préoccupe, quoi qu’en disent ses ennemis, du sort des paysans. L’une réclame des mesures restrictives contre la vente de l’eau-de-vie et les cabaretiers juifs, qui, répandus par myriades dans les campagnes, entretiennent pour ainsi dire dans une ivresse continuelle le bas peuple, objet de leurs rapines. L’autre demande concerne la fondation d’une caisse d’amortissement pour le rachat des corvées. Le roi a répondu qu’il fallait abandonner cette dernière question à son cours naturel, et laisser seigneurs et paysans traiter à l’amiable