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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/679

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du rachat de leurs obligations réciproques, c’est-à-dire que le roi grand-duc craint, comme l’empereur d’Autriche, de voir en Pologne la noblesse se fondre avec le peuple, et sous l’empire de cette crainte il préfère continuer de tenir les paysans du grand-duché dans une affreuse misère et dans l’impuissance de s’affranchir de leurs corvées.

A la diète de 1845, les nonces ont donné de nouvelles preuves de leur patriotisme éclairé. L’adresse en réponse au souverain demandait pour le pays une organisation totalement constitutionnelle, avec la publicité des débats et l’abolition de la censure. Contre ce vote presque unanime des représentans polonais, les députés allemands des villes ont seuls protesté, ajoutant ainsi à tant de preuves anciennes une preuve nouvelle du peu de penchant de la race allemande pour les institutions libérales. Un paragraphe spécial de cette adresse renouvelle au roi la prière de vouloir bien reconnaître la nationalité polonaise comme légalement constituée dans ses états ; mais il a fallu, par ordre suprême, retirer de cette demande une phrase jugée trop incisive, où les nonces exprimaient le vœu que leur patrie fût respectée par l’état protecteur, comme l’ancienne république polonaise avait su respecter la Prusse du moyen-âge, lorsqu’elle la tenait sous son vasselage.

Parmi les pétitions, c’est-à-dire les conclusions de la diète, on remarque principalement celles contre l’abus de la loterie, contre les majorats, et celles relatives à une réforme électorale. Le roi est prié de ne plus établir de majorats nouveaux, ou du moins, s’il en fonde encore, de ne plus leur accorder de voix ipso facto à la diète ; en outre, on lui démontre la nécessité d’élargir la représentation nationale, et de faire concourir le peuple entier à l’élection des nonces. On s’apercevait, du reste, que la fin déplorable d’un des plus brillans orateurs de la diète, le comte Édouard Raczynski[1], était encore présente à l’esprit des nonces. Tout entiers à leurs regrets, ils se disaient que, si un tel homme avait pu désespérer de lui-même et chercher dans la mort un refuge contre les douleurs de son patriotisme brisé, c’est parce que la cause publique avait dû lui apparaître comme perdue sans retour. Un découragement profond se reflétait donc dans l’assemblée.

  1. Le 22 janvier 1845, le comte Édouard Raczynski, après avoir mis ordre à ses affaires, se retira dans une petite île qui fait partie de ses domaines, et là mit fin à ses jours par l’explosion d’une arme à feu. On doit au comte Raczynski d’importans ouvrages littéraires ; sa fortune considérable a été consacrée presque entière à des travaux d’utilité publique.