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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/699

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métamorphosé par leur séjour en Angleterre, et provenant des moines barrés, c’est-à-dire de certains ordres qui portaient des manteaux bariolés de blanc et de noir. Les Barry étaient braves, mais parfaitement soumis à la loi du pays, ennemis jurés des fraudeurs et de la contrebande, sévères dans leurs transactions et méthodiques dans leurs habitudes. Édouard Barry, lieutenant des garde-côtes, avait eu avec le jeune homme cette altercation violente dont nous avons vu le sanglant résultat. Son frère, John Barry, plus doux de caractère et plus paisible de mœurs, était employé chez le fermier d’Alneshbourne, à côté de Marguerite, dont il s’éprit. Le caractère de Ralph, si merveilleusement imaginé et dessiné par Mme Sand dans son roman d'Indiana, rappelle celui de Jean Barry, dont nous verrons plus tard s’accomplir la destinée singulière. Il savait quel sentiment remplissait le cœur de la jeune fille et se gardait bien de lui demander un amour qu’il ne pouvait obtenir ; mais il restait près d’elle comme le héros dont nous avons parlé, silencieux, fertile en attentions délicates, triste et résigné. Le bruit de la mort de Laud s’étant répandu, il eut un moment d’espoir, et l’exprima naïvement. Marguerite, qui avait foi dans son fiancé, le croyant au service légal d’un capitaine de vaisseau hollandais, répondit à Barry qu’elle était engagée, que William vivait encore, et notre Ralph, dont la figure douce, les traits délicats et le teint rose n’avaient pu vaincre chez Marguerite l’idée fixe d’une résolution antérieure, reprit sans se plaindre la position douloureuse que le sort lui assignait.

Cependant le capitaine Hudson, dont Marguerite ne soupçonnait pas l’identité avec William, faisait grand bruit sur la côte. C’était le plus hardi et le plus heureux parmi les lieutenans du roi de la mer, le capitaine Barwood. Lorsqu’un attelage de huit chevaux vigoureux emportait vers l’intérieur des terres, sous le coup de fusil des douaniers, auxquels l’équipage des fraudeurs répondait, ces cargaisons « du clair de lune » qui se transformaient en bank-notes et en guinées, c’était à William qu’elles appartenaient. Toutes sortes de ruses étaient employées pour mettre sur une autre piste et pour décevoir le garde-côte Edward Barry, et l’on y réussissait souvent, grace aux efforts combinés de William et de son contre-maître Luff, un homme de fer que le chef, selon son habitude politique d’avoir un homme à lui, dévoué et sans scrupule, qui surveillait et dirigeait, sans en avoir l’air, les actions du capitaine nominal, avait placé auprès du jeune William. Luff ne craignait rien, ne respectait rien, et ne s’arrêtait devant aucune difficulté. C’était moins un homme qu’une