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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/705

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et qui, regardant William comme à jamais perdu pour elle, renouvela sa proposition de mariage. Elle refusa, disant qu’elle avait promis sa main à un autre. La tête de Laud était mise à prix ; une proclamation offrait cent guipées de récompense à qui le livrerait mort ou vif. Le hardi corsaire reparut cependant, et, dans une entrevue qu’il trouva moyen de se ménager avec Marguerite, voyant que la détermination de la jeune fille était inébranlable et qu’elle n’épouserait jamais le contrebandier, il promit de s’engager dans la marine royale, exécuta sa promesse, obtint sa grace et se distingua.

Tout allait bien alors ; l’espérance renaissait avec l’honneur, et une famille d’Ipswich, celle même à laquelle appartient le révérend Richard Cobbold, prenant en pitié la détresse des Catchpole, accueillit la jeune fille, qui mérita l’estime et l’affection de mistriss Cobbold. Un jour que le second fils de cette dame, muni de son fusil de chasse, de poudre et de plomb, était monté sur un bateau appartenant à son père, pour faire la guerre aux sarcelles et aux canards sauvages, dont ces parages abondent, le ciel se couvrit, l’orage s’annonça, et sept heures du soir avaient sonné, la pluie tombait à torrens, sans qu’on le vit revenir. Ce fut une grande désolation dans la famille. Sur un espace de plus d’un quart de mille, le confluent du Stour et de l’Orwell est bordé de ces alluvions de boue et de sable que recouvrent des plantes marines. Rien n’est plus dangereux que ces rivages, où viennent s’enfoncer et se perdre dans les gros temps les petites embarcations. — A la nuit qui tombait se joignait l’obscurité de la tempête. On s’arma de torches, on courut sur le rivage, on héla à grands cris le jeune homme, dont aucune trace ne s’offrait. Le vieux maniaque pêcheur, qui n’avait pas manqué cette occasion de se trouver à son poste, rapporta qu’il avait vu le jeune homme (aujourd’hui le révérend Richard Cobbold, le narrateur même de cette histoire) côtoyer le rivage dans un bateau pendant une partie de la journée ; puis il secoua la tête en homme convaincu non-seulement du danger, mais de la perte certaine du bateau et de celui qui le montait. Plusieurs matelots stationnés dans le port prirent part aux recherches malgré le péril, car la mer était terrible et remontait en mugissant jusqu’à l’Orwell, qu’elle refoulait dans son lit. Laud, qui venait d’arriver après une campagne heureuse, était l’un de ces matelots ; ces plages, si souvent visitées et reconnues par lui lorsqu’il était le capitaine Hudson, ne recélaient pas un seul bas-fond, une seule crique, dont les abords ne lui fussent familiers. Il monte sur un canot, armé d’une longue perche, le seul instrument qui pût lui servir à se diriger,