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témérité que jamais ; enfin, les douaniers le saisirent, et on le conduisit dans la prison de Bury, où se trouvait la condamnée, et où ces deux personnes si long-temps séparées se reconnurent. Les bons services qu’il avait rendus à bord des vaisseaux de l’état militèrent en faveur de William ; sa grace lui fut accordée, et, malgré la sévérité du régime de la prison, il trouva moyen d’avertir Marguerite que le lendemain à midi son écrou serait levé, et que le soir à dix heures il l’attendrait derrière l’église, si elle pouvait effectuer son évasion. Les longues résistances soutenues par la jeune fille contre son amour avaient vaincu sa force ; elle avait déjà donné une fois sa vie pour William ; peu lui coûtait de la hasarder une fois encore. Elle trama donc sa fuite avec une adresse et un sang-froid extraordinaires, et parvint à exécuter son entreprise de la manière la plus étrange et la plus hardie. Des chevaux de frise plantés dans un rouleau de bois horizontal couronnaient la muraille de briques de la prison. L’une des pointes de fer était brisée. Au moyen d’une longue corde et d’un nœud coulant qu’elle fixa à l’une de ces pointes, elle se hissa la nuit jusqu’au sommet de la muraille, et se cramponnant aux pointes de fer, tourna sur elle-même, saisit de nouveau la corde, et glissa jusqu’à terre les mains en sang. Elle alla retrouver Laud, et tous deux se dirigèrent vers le rivage. Les anciens amis de Laud lui avaient promis de sauver Marguerite, et de les conduire en Hollande l’un et l’autre. La chaloupe se fit trop long-temps attendre, et au moment où les contrebandiers accouraient, il s’engagea entre eux et les garde-côtes un combat qui coûta la vie à William. Frappé de deux coups de feu, il tomba sur le corps de Marguerite, qui, restée sans connaissance sur la plage et ramenée dans la prison, fut définitivement condamnée à la déportation pour la vie.

Marguerite avait vu la mort de près ; l’homme sur lequel elle avait fondé toutes ses espérances n’existait plus ; elle était résignée. Elle partit paisiblement pour Botany-Bay, lieu d’exil et de honte qui devait lui donner la considération et la fortune. L’apaisement de son unique passion la rendait à elle-même. Elle arriva au port Jackson le 20 décembre 1801, et le capitaine de vaisseau qui l’y avait conduite, touché de la modestie et de la douceur de la jeune fille, la recommanda particulièrement au gouverneur. Elle ne travailla que deux journées dans les ateliers du gouvernement, et fut demandée, comme c’est la coutume des colonies pénales, par un M. John Palmer, colon fort riche, dont la femme venait de fonder un asile pour les orphelins du pays. Cette dernière trouva dans Marguerite Catchpole, à qui elle apprit