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skewers, tea pots, iron-spoons, washed and wiped, saucepans, gridirons (jusqu’au gril) placed in their proper places[1].

En 1842, il y a trois ans, deux hommes, l’un vêtu de noir et jeune, l’autre portant les insignes d’une misère qui veut se dérober aux regards, entrèrent dans le musée d’Ipswich. L’un, le plus jeune, se rendait à Kentwell-Hall, beau domaine du comté qu’il voulait acheter : c’était le fils aîné de Marguerite ; l’autre, dont la figure était pâle, la chevelure rare et blanche, l’œil vif encore et triste, le front ridé, le teint jaune, avait couru des chances de vie aussi diverses et aussi bizarres que Marguerite elle-même, dont il était le frère. A l’époque où les rapports de sa sœur avec Laud faisaient le plus de bruit dans le comté, ce jeune homme avait disparu, mécontent sans doute de la notoriété que sa famille avait à subir. Il s’était engagé, était parti pour l’Hindoustan, où il avait servi dans les troupes anglaises, et où le marquis de Cornwallis l’avait distingué. Une rare souplesse d’organes et une extrême facilité à apprendre les langues et à se conformer aux mœurs des populations l’avaient fait employer comme espion, et il avait réussi dans plusieurs entreprises difficiles. Une de ces aventures communes aux Européens qui visitent ces contrées l’avait rapproché d’une fille de nabab qu’on lui avait donnée en mariage, et qui bientôt, animée contre lui de je ne sais quelle jalousie féminine, le força de fuir le pays. Sous le nom de Collins Jaun, il traversa la péninsule à pied, et reparut à Calcutta, que son protecteur, lord Cornwallis, avait quitté peu de jours auparavant ; puis il revint en Angleterre, où, rencontrant le fils de Margaret Catchpole, sa sœur, il obtint une petite place du gouvernement. Le frère et le fils de Marguerite, après avoir parcouru le musée, s’arrêtèrent devant une des curiosités qui le décorent et la contemplèrent long-temps en silence ; c’est un magnifique faisan doré, dont la queue chatoyante se développe et s’arrondit au-dessus de sa tête en forme de lyre. Au-dessous on lit ces mots :


MANURA SUPERBA, LYRA, FAISAN DE BOTANY-BAY,


« donné par Marguerite Catchpole, convaincue, en 1797, à Bury, du vol d’un cheval, condamnée à mort, et, par commutation de la sentence, à sept années de déportation. Une tentative d’évasion la fit condamner de nouveau à la déportation pour la vie. »

  1. Tom. II, p. 32.