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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/739

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avec lesquelles on arrive devant l’œuvre nouvelle de M. Marochetti, ce premier désappointement jette dans l’ame du juge le germe d’une sévérité trop bien justifiée par l’analyse attentive de la composition. Poursuivons, et plaçons-nous à droite de la statue en tournant le dos à la Seine. Si nous cherchons le visage du cavalier, nous ne sommes pas plus heureux que la première fois. A peine pouvons-nous apercevoir un profil perdu ; le seul dédommagement qui nous soit offert, c’est de nous assurer que le prince n’est pas solidement assis sur son cheval, que le corps est beaucoup trop en arrière, et qu’un brusque mouvement pourrait le désarçonner. Cette seconde épreuve n’est donc pas plus favorable que la première, et ne condamne pas moins clairement le goût du statuaire. Si nous tournons le dos à l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, que voyons-nous ? Un assemblage singulier qu’il nous serait difficile de caractériser. La queue du cheval est attachée de telle façon, et se combine si étrangement avec l’attitude du cavalier, qu’on ne sait d’où elle sort. Cette troisième impression n’est donc pas plus heureuse que la seconde. Plaçons-nous maintenant à gauche de la statue, et tournons le dos à la rue du Coq. Enfin nous apercevons le visage du prince, et nous pouvons étudier à loisir l’expression que M. Marochetti a voulu lui donner. Mais quelle singulière coiffure, quelle maladresse dans la manière de placer le chapeau militaire ! En regardant la statue de face, nous ne pouvions distinguer le visage du cavalier ; maintenant le cavalier nous semble coiffé d’une casquette. Assurément le chapeau militaire d’un lieutenant-général n’a rien qui se prête aux exigences de la sculpture, nous sommes disposé à le reconnaître et nous le proclamons volontiers ; mais tout contraire qu’il soit aux conditions générales de l’art, malgré l’ensemble disgracieux des lignes qu’il présente, ce chapeau, placé naturellement, c’est-à-dire de façon que l’axe de la coiffure corresponde à l’axe de la tête, ce chapeau, sans plaire à l’œil, n’a du moins rien de ridicule, tandis que la coiffure choisie par M. Marochetti amène le rire sur les lèvres des juges les plus indulgens. Et puis, était-il bien nécessaire de mettre sur la tête du prince ce malencontreux chapeau, n’importe de quelle manière ? N’était-il pas cent fois plus raisonnable et plus naturel de découvrir la tête du cavalier, et de lui mettre le chapeau à la main ? Et pourquoi, je vous le demande, pourquoi multiplier sur ce chapeau les détails et les ornemens, au point de le rendre dix fois plus lourd ? Ne pouviez-vous, ne deviez-vous pas simplifier le modèle que vous aviez sous les yeux ? Pourquoi copier servilement, mesquinement,