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M. Marochetti a voulu retracer ? Bien hardi serait, à mon avis, celui qui se prononcerait pour un de ces trois sentimens. Quant à moi, je l’avoue franchement, je n’ai pas su deviner l’intention de M. Marochetti. Je ne vois dans le cavalier qu’il nous donne pour le duc d’Orléans qu’un visage vulgaire, dont les yeux ne regardent pas et dont la bouche ne saurait parler. Ce masque immobile ne me dit rien ; et s’il fallait absolument baptiser l’expression de ce visage muet, je ne trouverais dans le vocabulaire entier de notre langue qu’un seul mot capable d’exprimer fidèlement ce que je crois y découvrir. Ce mot, chacun l’a déjà deviné, et je pourrais me dispenser de le dire : le visage du prince respire l’ennui. Si donc M. Marochetti, par une série de réflexions que j’ignore et dont je ne saurais pénétrer le mystère, a été amené à vouloir exprimer les soucis de la grandeur et l’ennui du commandement, je suis forcé de confesser qu’il a parfaitement réussi. Serait-ce donc là ce qu’il aurait voulu ?

Le cheval vaut-il mieux que le cavalier ? Avons-nous devant les yeux un vrai cheval de bataille ? La tête, le corps et les membres appartiennent-ils à la même race ? Ont-ils le même âge ? M. Marochetti, obéissant à une doctrine si souvent et si aveuglément prêchée, n’a-t-il pas réuni, par un étrange caprice, des élémens qui ne sauraient s’accorder entre eux ? N’a-t-il pas juxtaposé violemment, sans réussir à les combiner, des fragmens choisis sans discernement, et qui par leur nature sont incapables de former jamais un tout harmonieux ? Ces questions, posées clairement, ne sont pas difficiles à résoudre. Il suffit, en effet, de considérer attentivement le cheval que monte le duc d’Orléans pour s’apercevoir que la tête et les cuisses n’appartiennent pas à la même race. En modelant la tête, M. Marochetti pensait aux courses de Chantilly ; en modelant les cuisses, il copiait un cheval de brasseur. Le type de la tête semble inspiré par le désir de plaire au jockey-club ; le type des cuisses est celui d’une jument normande. Les yeux sont enchâssés, les narines se dilatent comme dans un étalon arabe ; les plans musculaires des cuisses sont divisés comme dans un cheval qui traîne toujours un pesant fardeau, et n’a jamais couru, ne courra jamais. Entre la tête et les cuisses il n’y a pas seulement désaccord, il y a contradiction. M. Marochetti a-t-il pu croire un seul instant que la tête et les cuisses fussent de la même race ? Je ne le pense pas. Il ne s’est pas trompé à ce point. Il n’a pas compris le danger de la théorie dont nous parlions tout à l’heure, et, une fois engagé dans une fausse voie, il a cru devoir aller jusqu’au bout. Il a entendu dire autour de lui, il a lu peut-être dans quelques livres qui jouissent