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Je voudrais pouvoir louer les bas-reliefs placés sur le piédestal de la statue ; mais je ne pourrais les louer sans trahir la cause de la justice ; car je retrouve dans ces bas-reliefs tous les défauts que j’ai signalés dans la statue. Ici encore M. Marochetti a confondu, par un étrange aveuglement, les conditions de la statuaire et les conditions de la peinture. La méprise, quoique moins choquante, n’est pas moins réelle. Le Passage des Portes de Fer et le Passage du Col de Mouzaïa, tels qu’il les a conçus, seraient tout au plus acceptables comme tableaux, mais ne peuvent être acceptés comme bas-reliefs. Si ces deux compositions étaient signées du nom de Raffet et dessinées sur la pierre lithographique, la critique ne serait certainement pas réduite au silence ; car Raffet, quant au mouvement des masses, quant à la clarté, quant à l’énergie, a souvent fait beaucoup mieux. Toutefois l’indulgence serait permise. Mais ce qui peut être pardonné aux caprices du crayon ne saurait être pardonné à l’ébauchoir. Malheureusement, en composant ces deux bas-reliefs, M. Marochetti ne paraît pas avoir entrevu un seul instant la différence profonde qui sépare la statuaire de la peinture. Il a disposé ses personnages comme si la couleur devait se charger de traduire sa pensée, et ne s’est pas préoccupé des conditions spéciales imposées au bas-relief. Il y a dans ces deux pages de sculpture de véritables trous que le goût ne peut absoudre. Il n’y a pas un élève de l’Académie qui ne sache très bien ce que M. Marochetti semble ignorer. Il y a des personnages entiers qui se détachent du fond et s’enlèvent presque en ronde-bosse, tandis que d’autres personnages, quoique voisins des premiers, comme le démontre évidemment la proportion que l’auteur leur a donnée, sont engagés presque tout entiers dans le fond, et semblent vouloir s’éloigner de l’œil du spectateur. Les conditions dont je parle sont tellement élémentaires, que j’ai peine à m’expliquer comment M. Marochetti les a méconnues. Il ne s’agit pas ici en effet d’une question de style, pas même d’une question de grammaire, mais tout simplement d’une question d’alphabet, ou, si l’on veut, de syllabaire. Violer les conditions dont je parle équivaut à ne pas savoir épeler. Tous les sculpteurs, au début de leurs études, pendant les premiers mois qu’ils passent à l’atelier, apprennent de la bouche de leur maître l’importance du principe que M. Marochetti a traité si cavalièrement. Assurément je ne conseillerais à personne de copier les cavaliers des Panathénées, lorsqu’il s’agit de reproduire quelque épisode de nos guerres d’Afrique ; mais il y a dans les bas-reliefs du Parthénon un enseignement qui domine tous les temps et tous les lieux, et qui peut