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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/745

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s’appliquer avec une égale justesse à toutes les compositions sculpturales, quelle que soit l’histoire où l’artiste ira chercher ses inspirations. Dans cette frise glorieuse, éternel sujet de méditation et d’étude pour tous ceux qui aiment ou pratiquent la statuaire, la succession des plans et le relief des personnages sont coordonnés de façon à ne laisser aucun vide, et présentent à l’œil du spectateur un ensemble facile à saisir. Dans les bas-reliefs de M. Marochetti, la violation de ce principe fondamental ôte à la composition toute espèce d’intérêt. L’œil distrait se promène d’un point à un autre sans savoir où s’arrêter. Il se fatigue à chercher le centre de la composition, sans pouvoir jamais le trouver. Le procédé pittoresque adopté par M. Marochetti ne permet pas au regard de se reposer. J’ai long-temps contemplé les Portes de Fer et le Col de Mouzaïa ; j’ai tâché de deviner quelle a pu être la pensée de l’auteur, sur quel point il a voulu que se fixât principalement l’attention, et après de vains efforts je suis arrivé irrésistiblement à cette déplorable conclusion : M. Marochetti n’a pas cru à la nécessité de montrer clairement sur quel point doit d’abord se concentrer l’attention avant d’aborder les détails d’une importance secondaire. Il serait donc absolument inutile d’interroger plus long-temps ces deux bas-reliefs, et de leur demander ce qu’ils ne peuvent nous dire. Il n’y a dans aucune de ces deux pages une idée-mère de laquelle relèvent tous les élémens de la composition. C’est une série de personnages et rien de plus.

Y a-t-il au moins dans chacun de ces personnages une élégance, une sévérité, une correction de dessin qui les recommandent à l’admiration, ou seulement à l’indulgence ? Ces cavaliers et ces fantassins, qui semblent placés là plutôt par le hasard que par la volonté, sont-ils conçus et modelés de façon à contenter l’œil du spectateur ? Y a-t-il dans le Passage des Portes de Fer ou du Col de Mouzaïa une figure dont le mouvement soit vrai et s’explique naturellement ? Il serait difficile de se prononcer pour l’affirmative. Les meilleures figures ne sont que des à peu près. Les qualités qu’un œil indulgent peut y découvrir ne sont pas assez solides, assez complètes, pour imposer silence à la critique ; et à côté de ces figures, combien d’autres ne se distinguent que par l’exagération, la gaucherie ou l’incorrection ! Dans le Passage des Portes de Fer, il y a des fantassins qui rappellent les soldats de plomb si chers aux écoliers. Il est presque impossible de deviner le corps sous le vêtement. Les membres sont attachés de façon à dérouter toutes les notions acquises par l’étude attentive de la réalité. Dans le Passage du Col de Mouzaïa, il y a un cavalier dont