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le mouvement semble destiné à parodier le mouvement exécuté par le cheval sur lequel il veut s’élancer. Ce merveilleux détail se trouve dans la partie droite du bas-relief. La jambe gauche du cavalier forme un angle absolument pareil à celui que forme le membre antérieur gauche du cheval. Si M. Marochetti a voulu faire une gageure contre le goût et le bon sens, nous devons avouer qu’il l’a gagnée.

Que dire du style de ces deux bas-reliefs ? Dans de pareilles compositions il n’est pas question de style ; l’auteur, nous le croyons du moins, n’y a pas songé. Il considère sans doute le style en sculpture comme une de ces vieilleries académiques bonnes tout au plus à tourmenter la jeunesse des écoles. L’allure indépendante de son esprit ne peut se plier à de si mesquines exigences. Si tel est le fond de sa pensée, il faut reconnaître qu’il l’a clairement révélé dans ces deux bas-reliefs, car il n’y a pas une figure qui puisse être accusée de la moindre prétention au style. Les meilleurs morceaux ne sont qu’un souvenir incomplet de la réalité ; mais M. Marochetti n’a pas essayé une seule fois d’interpréter, d’agrandir, d’idéaliser ce qu’il avait vu. Il a constamment évité le style comme un danger ; il s’est toujours tenu en garde contre tout ce qui pouvait ressembler au travail de la pensée sur la réalité, à l’interprétation du modèle ; il a veillé sur lui-même avec une attention assidue, et sa persévérance a été dignement récompensée. Il n’a pas toujours été réel, il s’en faut de beaucoup ; mais aussi il n’a pas à se reprocher une seule figure qui mérite le nom de belle. Il n’a pas mis dans le bronze tout ce qu’il a vu, ou plutôt tout ce qu’il aurait dû voir ; mais il n’y a rien mis qui appartînt exclusivement à sa pensée. Son talent, dans ces bas-reliefs, se compose de deux choses un œil qui ne voit pas très bien, et une main qui copie assez mal.

Les défauts nombreux que nous avons signalés dans l’œuvre nouvelle de M. Marochetti ne nous causent d’ailleurs aucune surprise, car les précédens ouvrages de l’auteur présageaient assez clairement ce qu’il pourrait faire, ce qu’on devait attendre de lui. La médiocrité incontestable de la statue du duc d’Orléans n’étonnera donc que les personnes absolument étrangères à l’histoire des artistes contemporains. Quant à ceux qui, par goût ou par profession, suivent attentivement le développement des arts du dessin, cette statue ne leur apprendra rien sur le mérite de l’auteur. Le statuaire qui a signé la Bataille de Jemmapes, le groupe de la Madeleine, le Philibert-Emmanuel, était naturellement, nécessairement condamné à faire ce qu’a fait cette année M. Marochetti. Avant de signer la Bataille de Jemmapes, un des bas-reliefs de l’arc de l’Étoile, M. Marochetti jouissait d’une obscurité