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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/748

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cette draperie malheureusement ne réussit pas à dissimuler, il est difficile d’en parler avec indifférence ; car la Madeleine a le ventre d’une femme dont la grossesse serait déjà fort avancée. Devine qui pourra quelle a pu être la pensée de l’auteur ! Pour moi, je ne saurais le deviner. Les anges qui entourent la Madeleine sont tellement vulgaires, tellement éloignés de la nature céleste qui devrait se révéler dans leurs regards comme dans le choix de leurs formes, que la critique peut se dispenser de les étudier. Les voir, c’est les juger.

Et pourtant, malgré cette triple épreuve, malgré la Bataille de Jemmapes, malgré le Philibert-Emmanuel, malgré le groupe de la Madeleine, M. Marochetti a été choisi pour modeler la statue du duc d’Orléans. Il a tenu toutes ses promesses, et ceux qui l’ont appelé n’ont pas le droit de se plaindre. Quant à nous, qui avions prévu ce qui arrive, la plainte nous est permise, et nous avons le droit de nous étonner de la fortune singulière de M. Marochetti. Chacune de ses tentatives a été marquée par une chute authentique, et cependant, après chacune de ces tentatives, on lui a ménagé l’occasion de prendre sa revanche ; mais il a persévéré dans sa médiocrité, sans jamais se lasser, et sans doute il ne se dispose pas à changer de route, puisque celle où il est engagé depuis dix ans l’a conduit à la richesse.

Il serait donc parfaitement inutile de lui signaler les modèles qu’il doit consulter avant de composer la statue équestre de Napoléon. S’il néglige ces modèles, lorsqu’il avait à faire les statues de Philibert-Emmanuel et du duc d’Orléans, pouvons-nous espérer qu’il daigne les consulter pour l’œuvre nouvelle dont l’exécution lui est confiée ? Le croire serait de notre part un pur enfantillage. Le Marc-Aurèle du Capitole, le Balbus du musée de Naples, les statues équestres dues aux mains savantes de Donatello à Padoue et de Verocchio à Venise ne peuvent rien enseigner qu’à l’artiste convaincu de la nécessité de l’étude. Or, il est probable que cette conviction n’est jamais entrée dans l’esprit de M. Marochetti. Comment douterait-il de sa science, puisque les travaux les plus importans sont réservés à son ciseau, puisque, malgré ses nombreux échecs, le tombeau de Napoléon a semblé seul digne d’occuper son imagination ? Les statues équestres que nous venons de nommer pourraient-elles ébranler la confiance de M. Marochetti dans la toute-puissance de son talent ? Pourraient-elles l’amener à penser qu’il ne sait pas précisément tout ce qu’il devrait savoir ? Lui feraient-elles entrevoir la différence qui sépare le style monumental, du style anecdotique ? Franchement je n’oserais