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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/768

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où l’on compare le chef du 29 octobre aux sept sages de la Grèce et aux triomphateurs romains. Sans doute ce n’est pas l’usage à Saint-Pierre-sur-Dives de communiquer les adresses municipales aux personnages qui doivent y répondre, sans quoi M. Guizot n’eût pas permis qu’on fît brûler devant lui un tel encens ; la modestie de son discours en est la preuve.

Tandis que M. Guizot haranguait les électeurs du Calvados, M. le ministre de l’instruction publique prononçait, dans la solennité du concours, de graves paroles qu’un immense auditoire a justement applaudies. Depuis long-temps le pouvoir gardait le silence sur la question de l’enseignement. Le discours de M. Salvandy rassurera le pays. Après avoir exprimé de bonnes intentions, on doit croire que le ministre aura la fermeté de les exécuter.

On connaît les détails de l’incendie qui a dévoré un de nos magasins maritimes dans l’arsenal de Toulon. Ce désastre, vivement senti par le pays, a été l’objet de commentaires que nous ne saurions approuver. Il y a des exagérations pour lesquelles le patriotisme lui-même ne peut servir d’excuse. Au lieu d’imputer le crime à des mains étrangères, ennemies de notre puissance navale, et de réveiller dans le peuple des préjugés irritans, on ferait mieux d’attendre le résultat de l’enquête qui se poursuit en ce moment. La justice est saisie ; elle fera connaître les vrais coupables. Quant à présent, tout semble démontrer que l’incendie a été l’œuvre de la malveillance. De nombreux indices révèlent l’existence d’un vaste complot. La voix publique désigne les forçats. Cette opinion, que tous les faits connus semblent confirmer, soulève naturellement la question des bagnes, et on se demande s’il n’est pas de la dernière imprévoyance de mettre à la merci d’une bande de misérables des établissemens d’où dépendent la prospérité et la puissance de notre pays. Déjà, plus d’une fois, cette imprévoyance a été signalée. Au lieu d’être employés dans nos arsenaux, où leur contact humilie les ouvriers des ports, les forçats ne pourraient-ils pas être employés sur divers points du territoire à des travaux de desséchement ? Ne pourrait-on point, par exemple, les envoyer dans les marais de la Corse, où leurs bras trouveraient un travail utile et de nature à les occuper long-temps ? C’est à l’administration de la marine qu’il appartient de provoquer l’examen de ces questions, et d’obtenir que l’état actuel des choses soit changé, car il compromet gravement sa responsabilité devant les chambres.

Plusieurs journaux ont exagéré la perte causée par l’incendie. Les uns parlent de 60, les autres de 80 millions. D’après les calculs du ministère de la marine, le dommage serait de 2, 500, 000 francs ; c’est le chiffre le plus vraisemblable, et l’on doit convenir d’ailleurs que l’administration possède seule les documens nécessaires pour apprécier exactement l’étendue du mal. Les autorités locales ont-elles manqué de vigilance ? Une surveillance plus active eût-elle pu prévenir l’exécution du complot ? Ce point sera éclairci par l’enquête. Dans tous les cas, dès qu’il s’est agi de lutter contre l’incendie, les autorités locales ont rempli leur devoir. Elles ont montré une rare énergie, admirablement secondée par la population et par les troupes de terre et