que de remuer et d’ébranler l’ame plus profondément encore que la peinture.
Depuis le Laocoon de Lessing, il n’est plus permis de répéter, sans de grandes réserves, l’axiome fameux : sicut pictura poesis, ou du moins il est bien certain que la peinture ne peut pas tout ce que peut la poésie. Tout le monde admire le portrait de la Renommée tracé par Virgile ; mais qu’un peintre s’avise de réaliser cette figure symbolique, qu’il nous représente un monstre énorme avec cent yeux, cent bouches et cent oreilles, qui des pieds touche la terre et cache sa tête dans les cieux : l’effet d’une pareille figure pourra bien être ridicule.
Ainsi les arts ont un but commun et des moyens radicalement différens. De là les règles générales communes à tous, et les règles particulières à chacun d’eux. Je n’ai ni le temps ni le droit d’entrer à cet égard dans aucun détail. Je me borne à rappeler que la grande loi est l’expression. Toute œuvre d’art qui n’exprime pas une idée ne signifie rien ; il faut qu’en s’adressant à tel ou tel sens, elle pénètre jusqu’à l’esprit, jusqu’à l’ame, et y porte une pensée, un sentiment capable de la toucher ou de l’élever. De cette règle fondamentale dérivent toutes les autres, par exemple, celle que l’on recommande sans cesse et avec tant de raison, la composition : c’est là que s’applique particulièrement le précepte de l’unité et de la variété ; mais, en disant cela, on n’a rien dit tant qu’on n’a pas déterminé la nature de l’unité dont on veut parler. La vraie unité, c’est l’unité d’expression, et la variété n’est faite que pour répandre et faire luire sur l’œuvre entière l’idée ou le sentiment unique qu’elle doit exprimer. Il est inutile de faire remarquer qu’entre la composition ainsi entendue et ce qu’on nomme souvent ainsi, comme la symétrie et l’arrangement des parties suivant des règles artificielles, il y a un abîme. La vraie composition n’est autre chose que le moyen le plus puissant d’expression.
L’expression ne fournit pas seulement les règles générales des arts, elle donne encore le principe qui permet de les classer, de les coordonner entre eux.
En effet, toute classification suppose un principe qui serve de mesure commune.
On a cherché un tel principe dans le plaisir, et le premier des arts a paru celui qui donne les jouissances les plus vives ; mais nous avons prouvé que l’objet de l’art n’est pas le plaisir : le plus ou moins de plaisir qu’un art procure ne peut donc être la vraie mesure de sa valeur.
Cette mesure n’est autre que l’expression. L’expression étant le but