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Forster n’est qu’une nouvelle, et faut-il absolument que là où Mme Hahn-Hahn renonce à ses prétentions brillantes, elle s’abaisse tout aussitôt à une faiblesse sans égale ? Il y a çà et là quelques situations gracieuses dans Sigismond Forster ; les premiers chapitres sont pleins de fraîcheur ; les étudians de Bonn y sont spirituellement mis en scène, et les deux figures de Sigismond et de Tosca composent un groupe aimable qui se cache en rougissant derrière les camélias de la fenêtre. Malheureusement ce souffle poétique a bientôt passé, et tout ce qui suit n’est plus qu’une aventure banale, froidement conçue, froidement racontée, et que l’on pardonnerait à peine à une imagination qui s’essaie. L’extrême simplicité qu’a recherchée ici Mme Hahn-Hahn est dangereuse pour les plumes inhabiles ; elle n’est permise qu’aux maîtres.

Ce n’est certes pas la simplicité qui distingue le roman de Cécil. Cécil est une longue histoire, très embarrassée, très compliquée, si compliquée vraiment, que l’auteur n’a su quel nom donner à son œuvre. Est-ce Cécil, est-ce Renata, est-ce Emmerich qui en est le héros ? Je l’ignore. L’auteur affirme qu’il nous donne l’histoire de Cécil ; mais le caractère de Renata est plus important, mieux étudié, et, s’il y avait un plan, Renata serait la figure principale du drame. Ce qu’il y a de plus clair, c’est que ce livre s’en va au hasard, selon les caprices de la plume. L’auteur pourtant a eu son but. Si je cherche à dégager les idées qui l’ont poussé à écrire, mais qui sont demeurées enfouies dans l’incohérence de sa fable, je trouve que ces idées ne sont pas infécondes. Cécil Forster est un esprit égoïste et ambitieux ; plus d’une fois il a cru enchaîner sa volonté à des affections qui devaient gouverner sa vie ; vaines promesses ! il avait trop compté sur lui-même ; l’ambition, la cupidité, vient sans cesse briser ces faibles liens ; il sacrifie lâchement les cœurs dévoués qui avaient cru à la sincérité de son amour. Quand le remords le frappe enfin, quand il commence à se mépriser, quand il veut renaître à cette vie de l’amour qu’il a répudiée par faiblesse et par convoitise, il rencontre une noble femme qu’il aime enfin, qu’il aime loyalement, et pour qui il renonce à ses ambitions mondaines ; mais au moment où cette belle Renata va être à lui, une catastrophe imprévue, terrible, la lui arrache : c’est la punition fatale de cette vie égoïste et lâche. Renata est une ame douée admirablement : elle a aimé Emmerich avec toute la noblesse d’une ame chaste et dévouée ; or Emmerich ne peut unir sa vie à la sienne, et le jour où cette intimité si douce doit se délier, elle a juré à Emmerich qu’elle n’appartiendrait à personne. Un jour elle a oublié ce serment,