Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/875

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’idéal souvenir qui éclairait sa vie s’est éteint ; elle a aimé Cécil Forster, elle va devenir sa femme. C’est à ce moment qu’Emmerich redevient libre. La lettre qui l’annonce à Renata brise en un instant ses affections nouvelles ; sur un seul mot d’Emmerich, elle dit adieu à Cécil, elle part, elle arrive ; Emmerich était mort la veille. L’infidélité de Renata est punie comme l’égoïsme de Cécil. Telle est la double histoire de Renata et de Cécil ; mais il faut au lecteur une attention obstinée pour découvrir le but du romancier sous cette fable inextricable. L’auteur avait toutes ces idées sans doute quand il a conçu son œuvre ; il les a oubliées en écrivant. Dire tout ce que l’on veut dire et ne dire que cela, demeurer maître de sa plume au lieu d’être gouverné par elle, c’est là bien certainement ce qui fait l’écrivain. Or, Mme la comtesse Hahn-Hahn est encore bien loin de posséder ce secret, si simple en apparence, mais si rare pourtant et si considérable.

Que Mme la comtesse Hahn-Hahn veuille bien y prendre garde ; depuis Ilda Schoenholm et la Comtesse Faustine, chacun de ses pas a été marqué par une chute. Sa popularité, qui décroît déjà visiblement, ne résistera pas long-temps à de pareilles épreuves. Le succès de la Comtesse Faustine l’a trompée ; elle a cru qu’elle obtiendrait ce privilège de causer librement devant le public, sans se soucier jamais des règles les plus simples de l’art. Ces dispenses-là ne s’accordent qu’avec peine aux plus charmans esprits, aux plus hautes intelligences. Ce qu’on avait toléré dans ses premiers écrits est devenu insupportable à la longue. Et puis l’auteur a-t-il conservé les qualités aimables qui demandaient grace, dans ses premiers essais, pour l’indécision des lignes et le vague des contours ? Ce sentiment poétique, faible, mais gracieux, dans Ilda Schoenholm, sensible encore dans Faustine, le retrouve-t-on dans Sigismond Forster et dans Cécil ? Non, certes Mme Hahn-Hahn a de grandes prétentions à la poésie, elle invoque sans cesse un idéal inconnu, elle a des aspirations, des élans, moitié mystiques, moitié mondains ; ces fantaisies ne tromperont jamais un esprit droit ; tout cela est factice, toute cette poésie est une poésie de boudoir. Je cherche un seul de ces héros sur le front duquel elle ait fait descendre ces éclairs sublimes qui sacrent les figures immortelles. Malgré leurs prétentions aristocratiques, ses héros sont bourgeois ; l’élégance du langage, le dandysme de la parole, ne cacheront jamais, pour un œil exercé, la vulgarité de leur nature.

J’aurais bien des doutes encore à exprimer sur la parfaite convenance de ce brillant langage qu’elle recherche. Malgré l’extrême circonspection