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qui est ordonnée au critique quand il juge le style d’un écrivain étranger, j’oserai demander à Mme la comtesse Hahn-Hahn si elle n’a point gâté ou appauvri le riche idiome de son pays ? Ces expressions françaises, importées violemment dans sa langue, sont-elles une heureuse conquête ? On sait combien Lessing et Goethe étudiaient les maîtres de notre littérature, avec quelle habileté, avec quel bonheur ils ont fait passer dans leur langue trop touffue l’élégance et la netteté de la langue française. Ce sont les emprunts des maîtres. Est-ce aussi ce qu’a voulu l’auteur de la Comtesse Faustine ? Il ne faut pas une grande connaissance de l’allemand pour savoir à quoi s’en tenir sur ce point. C’est par une détestable affectation de dandysme que l’auteur a bigarré son style de mots français, grotesquement affublés de terminaisons germaniques. On croirait souvent lire une parodie : — frisé et parfumé, frisirt und parfumirt ; — il faut que je me calme, ich muass mich calmiren ; — le dîner était fort recherché, das dîner war sehr recherchirt, etc. Il est évident que ces phrases ne sont d’aucune langue, et je cite ici les premiers exemples que je rencontre ; chaque page en fourmille. A coup sûr, si l’auteur eût voulu railler le dialecte prétentieux de quelques salons, il n’eût pas fait autrement. Chez Mme la comtesse Hahn-Hahn, la parodie est involontaire, et c’est avec le plus gracieux sourire que l’auteur parle ce jargon ridicule. En vérité, il y a de quoi faire prendre en haine la langue française à tous les Allemands qui lisent Mme Hahn-Hahn : le roi de Bavière, qui proscrit par ordonnances la langue de Pascal et de Voltaire, pourrait agir plus efficacement, s’il faisait admettre au nombre des livres classiques Faustine, Ulric ou Sigismond Forster. Mme Hahn-Hahn ne se contente pas de défigurer la langue allemande par ses maladroits emprunts, elle nous cite sans cesse ; il n’y a pas un seul de ses prétentieux gentilshommes qui ne veuille parler français, et quel français, bon Dieu ! La noble comtesse croit nous dérober la fine fleur du beau langage ; elle ne soupçonne pas, évidemment, le singulier effet que produisent, au milieu de ses dialogues maniérés, ces phrases triviales qu’elle emprunte à une littérature suspecte. Je voudrais réussir à la détromper sur ce point, et qu’elle fût plus sobre de ces ornemens ou plus sévère dans son choix.

Mme la comtesse Hahn-Hahn, depuis dix ans qu’elle a pris la plume, a déjà beaucoup écrit ; ce gros bagage pourtant semble bien léger à son ambition, et son activité, de jour en jour, redouble. Il semble qu’elle veuille lutter contre l’oubli par le nombre de ses publications, et solliciter