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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/897

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les portes de sa chambre, guettant la lumière : enfin l’Aurore la frappa de sa clarté chérie, et déjà chacun se mettait en mouvement à travers la ville. »

Ici se placent des descriptions pleines de fraîcheur, la toilette empressée de la jeune fille qui veut effacer la trace des larmes de la nuit et s’assurer toute sa beauté, les ordres qu’elle donne à ses compagnes d’atteler le char. Ces graces matinales rappellent le départ de Nausicaa pour le lavoir ; mais ici que l’objet est différent, et que déjà l’horizon se fait sombre ! Ainsi parée, et tandis qu’on apprêtait le char, « la jeune fille, est-il dit, tournant çà et là dans le palais, foulait le sol dans l’oubli des maux qui s’ouvrent déjà sous ses pieds en abîmes, et de tous ceux qui vont s’amonceler dans l’avenir. » - Après un détail approfondi de l’herbe magique qu’elle prend pour donner à Jason, et des circonstances où elle l’a autrefois cueillie, le poète, continuant de s’inspirer d’Homère, poursuit par des comparaisons enchanteresses que Virgile a ensuite imitées de tous deux

« Elle mit, dit-il, l’herbe magique à la ceinture odorante qui serrait son beau sein, et, sortant à la porte, elle monta sur le char rapide. Avec elle montèrent de chaque côté deux suivantes. Elle-même prit les rênes et, tenant le fouet élégant de la main droite, elle conduisait à travers la ville. Les autres suivantes, s’attachant derrière à la caisse du char, couraient le long de la large voie, et elles relevaient tout courant leur fine tunique jusqu’à la blancheur du genou. Telle, après s’être baignée dans les tièdes ondes du Parthénius ou encore du fleuve Amnisus, la fille de Latone, debout sur son char d’or traîné de biches légères, parcourt les collines, venant de loin au-devant d’une fumante hécatombe : les Nymphes la suivent en groupes, et celles qui s’assemblent sur la source même d’Amnisus, et celles qui habitent les bois et les hauteurs pleines d’eaux jaillissantes : autour d’elle les bêtes sauvages, tremblant de respect à sa venue, lui font caresse de la queue et avec leurs cris. Telles ces jeunes filles s’élançaient à travers la ville : et les peuples alentour faisaient place, évitant de rencontrer les regards de la vierge royale.

A peine arrivée au temple, Médée s’adresse à ses compagnes, toujours avec le même composé de charme et de ruse : « J’ai commis une imprudence, leur dit-elle, de vous amener ici, tout près de ces étrangers nouvellement débarqués ; aucune femme de la ville n’ose plus y venir. Mais, puisque nous y voilà, et que personne ne paraît, amusons-nous à cueillir des fleurs et à chanter : il sera temps ensuite de s’en retourner, et vous ne reviendrez pas sans présens, si vous voulez