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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/999

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attachés aux facultés de droit ne tarderaient point à en adopter l’esprit trop juridique. A des hommes qui consacrent leur vie au service public, il faut inspirer un sentiment plus énergique des droits de la société, moins de passion pour l’individu, plus de souci des intérêts de l’état. A Dieu ne plaise que nous condamnions l’étude du droit civil. Nous aimons et nous respectons dans le magistrat et dans le jurisconsulte ce généreux dévouement qui se porte toujours au secours du plus faible, et mesure la protection au pouvoir de l’oppresseur ; mais nous ne voulons pas soumettre à la même influence des études qui tendent vers un but entièrement distinct. Notre révolution a proclamé le principe de la séparation des pouvoirs : elle a défendu que l’administration et la justice fussent confondues dans les mêmes mains, et les a séparées d’une manière absolue. Ce principe ne sera définitivement consacré que quand un enseignement spécial prendra au début et conduira vers leurs destinations respectives ceux qui doivent parcourir l’une ou l’autre carrière.

Un enseignement complet de toutes les sciences qui se rapportent aux affaires publiques est donc le point de départ d’une bonne organisation du personnel des fonctionnaires. Tant qu’il ne sera pas constitué, toutes les mesures prises pour consacrer les droits du talent et pour procurer à l’état des serviteurs intelligens et capables seront vaines et sans effet. L’année dernière, d’honorables députés ont proposé de déterminer les règles de l’admission dans les fonctions publiques. Une pensée louable avait inspiré ce projet. S’il a échoué, c’est surtout parce qu’il était dépourvu de base, faute d’une école publique où pussent s’acquérir les connaissances exigées des candidats aux emplois. Nous faisons des vœux pour que cette lacune soit comblée. Puisse bientôt l’état, en présence d’une jeunesse active, laborieuse, pleine d’une généreuse émulation, se créer le moyen d’en choisir l’élite pour l’appliquer au service public et étendre ainsi, par des dispositions successives, à la diplomatie, à l’administration, aux régies financières, avec les tempéramens propres à chacun de ces services, le régime de garanties qui garde déjà le seuil des autres carrières !