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toujours dans ces parages deux puissances prêtes à combattre la nôtre, à faire prévaloir leurs exigences sur nos intérêts. Partout déjà, au Texas, à Nicaragua, en Californie, dans l’Orégon, nous rencontrons la Grande-Bretagne et les États-Unis, ceux-ci cherchant à déborder sur les peuples du sud, celle-là s’efforçant d’opposer une digue au torrent et d’en détourner le cours à son profit. Dans ce conflit, qui menace à la fois l’influence française et l’indépendance des républiques espagnoles dont le Mexique est l’avant-garde ne verrons-nous donc qu’une simple discussion de limites, et permettrons-nous que nos destinées futures en Amérique se débattent sans notre intervention ? C’est là une situation que la France n’acceptera point, nous l’espérons. En examinant quelles ont été nos relations, celles de l’Angleterre et des États-Unis avec le Mexique depuis l’indépendance, on se convaincra de l’importance des problèmes qui s’agitent dans ce pays et qui ont été jusqu’à ce jour trop peu étudiés.

Les relations politiques et commerciales de l’Europe avec le Mexique étaient à peu près nulles avant 1821, époque de l’émancipation. Tant que l’Espagne conserva sa colonie, elle la ferma aux étrangers avec un soin jaloux ; des lois d’une cruelle sévérité en interdisaient l’entrée à quiconque n’était pas sujet espagnol ; il fallait pour y pénétrer une permission spéciale qu’on n’obtenait qu’avec de grandes difficultés. Les naufragés eux-mêmes ne pouvaient espérer de fléchir la rigueur inhospitalière de ces lois ; à peine avaient-ils touché le sol mexicain, qu’ils étaient conduits en prison comme des pirates, et tous les voyageurs qui ont visité le Mexique depuis 1821 se rappellent avoir entendu raconter à de malheureux vieillards, jetés autrefois sur ces côtes par les caprices de l’océan, les tristes détails d’une captivité que put seule terminer l’indépendance. L’Europe ne faisait aucun commerce direct avec ce pays. Des bâtimens espagnols venaient, dans les ports de France, d’Angleterre ou d’Allemagne, charger les marchandises que l’on expédiait ensuite de Cadix ou de Séville pour les Indes occidentales. En un mot, la population mexicaine semblait, comme la société chinoise, retranchée du reste de l’humanité[1].

C’est de l’indépendance, nous l’avons dit, que datent les premières relations du Mexique avec les gouvernemens étrangers. Des trois grandes puissances dont les sujets formèrent alors des établissemens dans le pays, deux se préoccupèrent ostensiblement, dès cette époque, de s’agrandir aux dépens de la république naissante. Placées dans les circonstances les plus favorables pour faire valoir leurs prétentions, l’Angleterre par sa marine et ses

  1. Une seule fois des négocians anglais obtinrent du gouvernement de la Péninsule l’autorisation d’expédier de la Jamaïque, pour la Vera-Cruz, un chargement d’étoffes de leurs manufactures ; abusant des termes de leur contrat, au lieu d’une barque marchande, ils chargèrent un vieux ponton qu’ils couvrirent de grandes voiles latines, et mirent trois mois à faire un trajet de quelques jours. La tradition porte que beaucoup de- gens riches de. Mexico firent le voyage de la Vera-Cruz pour voir des Anglais !