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de Feuerbach et de Bruno Bauer, ce sont eux qui tout à l’heure, sous le nom d’amis des lumières, rejetteront délibérément toute espèce d’autorité religieuse.

Telles sont, dans l’Allemagne du nord, les vives discordes de l’église protestante. On a vu combien d’élémens actifs doit y trouver l’opposition politique dans une circonstance donnée. Ce n’est pas tout ; l’église catholique elle-même n’est pas à l’abri de ce travail intérieur. L’agitation sans doute n’y est pas aussi visible que dans les communions protestantes, mais elle existe, et là aussi, quand le schisme éclatera, il y aura pour les novateurs, et surtout pour les partis qui marcheront derrière eux, des chances sérieuses de succès. Voici un fait bien curieux et qui n’a pas été remarqué : il y a trente ans, après les guerres de 1813 et 1815, lorsque ce grand mouvement eut rapproché les peuples d’Allemagne, lorsqu’il eut éveillé les premières espérances d’unité, ces idées pénétrèrent rapidement dans le clergé catholique, et peu s’en fallut que ce clergé ne rompît avec Rome pour constituer une église catholique allemande. Le nom, comme on le voit, n’est pas nouveau. Et ne comparons pas cette tentative de 1815 avec la bizarre et pauvre entreprise que nous aurons bientôt à juger ; rien n’était plus sérieux ; ce n’était pas un prêtre vulgaire qui dirigeait ce mouvement, c’étaient les théologiens les plus vénérés de l’église catholique, et, parmi eux, un homme, un évêque, qu’on a pu appeler le Fénelon de l’Allemagne. Je traduis une page des mémoires de M. Varnhagen d’Ense. « L’église catholique allemande était alors dans les meilleures conditions pour s’organiser d’une manière vraiment chrétienne, d’une manière conforme aux idées et aux besoins du pays. Les chefs de cette bonne entreprise étaient sortis du sein même du clergé : c’étaient des hommes comme Wessenberg et Spiegel, entourés de toute la confiance de l’église et du peuple, et qui auraient satisfait aux légitimes exigences de l’état ; Wessenberg, si admirable par la pureté et l’onction de son ame, par ses sentimens tout populaires, par sa loyauté, par la noblesse de sa haute intelligence ! Wessenberg, qu’on a bien justement comparé à Fénelon ! Où trouver un meilleur gage de l’union intérieure de la nouvelle église et de ses rapides progrès ? Mais les gouvernemens, et surtout les gouvernemens protestans, qui avaient un si grand intérêt à entretenir ces généreux efforts d’où allait sortir une église catholique vraiment allemande, ne montrèrent en cette occasion que du mauvais vouloir. Les petits états, qui désiraient continuer cette tentative, reconnurent bientôt que, sans le concours les grandes puissances, ils prenaient