Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que le gouvernement prussien, par exemple, déconcerté dans sa politique, n’osera résister d’abord, de peur de frapper un ami, et s’abandonnera ensuite à une violente réaction. Singuliers jeux de scène, alternatives bizarres, dont le secret, difficile à débrouiller, demande une étude exacte et attentive.


II.
La tunique de Trêves. — Le pèlerinage. Le chapelain Ronge. — Le curé Czerski et la paroisse de Schneidemühl.

L’occasion qu’on désirait si vivement ne se fit pas attendre : les faits sont connus, mais ils ne le sont pas tous ; il importe de les rappeler en peu de mots.

Depuis le IVe siècle, suivant une tradition plus qu’incertaine, la cathédrale de Trêves possède une robe, un vêtement, qui aurait été donné à la ville par Hélène, mère de Constantin, et que les fidèles croient être la robe de Jésus-Christ. Que cette relique ait été en effet donnée par Hélène, rien n’est moins prouvé. Les bollandistes eux-mêmes ont soulevé des doutes auxquels on n’a pas répondu. Le fait admis d’ailleurs, il reste encore bien des points à éclaircir : cette robe donnée par la mère de Constantin, d’où lui venait-elle ? De son voyage en Palestine, répond la tradition ; mais les objections naissent d’elles-mêmes (je ne fais que citer les Allemands, je donne le ton de la controverse au début de la querelle) ; n’avait-on pas trompé la princesse ? avait-elle bien reçu le vêtement du Christ ? Un professeur de l’université de Bonn, érudit et antiquaire, affirme très gravement que cette robe est la robe des prêtres de Baal. Que de conjectures, que de difficultés sur ce seul point ! Admettez-le cependant, les objections vont continuer toujours plus fortes. Voilà la robe du Christ gardée jusqu’au IVe siècle, comment ? par qui ? on n’en sait rien. La voilà remise à Hélène ; la voilà enfin déposée à Trêves : que deviendra-t-elle ? Oubliez-vous les barbares ? oubliez-vous ces guerres terribles et la ville prise, reprise, incendiée, et toutes ces dévastations effroyables qui font frémir la plume de Salvien quand il montre aux chrétiens de son temps, dans ces catastrophes continuelles, le châtiment de la colère divine ? Encore une fois, ce n’est pas moi qui parle ; je rapporte quelques-unes des objections soulevées en Allemagne. Cette discussion appartient à mon sujet, si ce sont les faits surtout que je recherche ; n’en est-ce pas un fort grave que cette exposition de la tunique de Trêves, au milieu de cette Allemagne si savante, si érudite, si exercée aux enquêtes